Qualité de l’air | Épandages, soleil, ammoniac et particules
Le phénomène dure depuis plusieurs jours et devrait encore se poursuivre : la Bretagne connaît un important épisode de pollution de l’air par les particules fines. L’absence de vent et les températures élevées que nous connaissons en ce début de printemps, augmentent la volatilisation de l’ammoniac dans l’air.
L’association agréée pour le suivi de la qualité de l’air (AASQA) Air Breizh met à disposition chaque jour ses prévisions en ligne pour la qualité de l’air extérieur. Force est de constater qu’elles sont mauvaises voir très mauvaises. Ce vendredi 25 mars 2022, la région briochine devraient connaître une qualité de l’air « très mauvaise » en lien avec une concentration importante en particules fines dans l’air (PM 2,5). Elle sera mauvaise partout ailleurs tout comme demain. Les particules fines sont la 2ème cause de mortalité dans notre pays. Alors que le soleil brille, la population devra se montrer prudente.*
L’ammoniac dégagé par les effluents agricoles est un précurseur important de particules fines. Or, alors que les épandages débutent tout juste, Air Breizh a mesuré une forte augmentation de la concentration en ammoniac dans l’air à sa station de Kergoff (Merléac en centre-Bretagne). Celle-ci est en effet équipée d’un analyseur permettant la mesure en continu de l’ammoniac (NH3), dont les données sont disponibles sur le site d’Air Breizh.
Une origine agricole
L’ammoniac serait responsable à 60 % de la pollution par les particules fines au Royaume-Uni. Un chiffre troublant alors que la Bretagne est la première région émettrice d’ammoniac en France (17% du total). Elle concentre sur ses 6 % de surface agricole utile nationale (SAU) : 58 % du cheptel et de la production porcine française, 21 % des élevages laitier et 1/3 des poulets de l'hexagone. Dans notre région, l'origine de l'ammoniac serait à plus de 95% agricole. Néanmoins, les mesures en continu d’ammoniac dans l’air sont très récentes. La corrélation entre pollution de l’air par les particules fines en Bretagne et la production d’ammoniac par les activités agricoles n’a pas toujours été acceptée.
Poursuivre et renforcer le suivi
Eau & Rivières de Bretagne salue le travail de recueil, de suivi et de diffusion des données de qualité de l’air effectué par Air Breizh. Les citoyens doivent légitimement être informés des polluants auxquels ils peuvent être exposés. Néanmoins, compte-tenu des incidences sur la santé et des niveaux atteints, il est indispensable :
-
d’intégrer les PM 2,5 dans les procédures des alertes pollutions. ;
-
d’élargir le réseau de stations de mesures permanentes réparties sur tout le territoire breton, en particulier en zone agricole et sur les sites industriels à risque ;
-
de développer des dispositifs d’alerte vers les agriculteurs et les industriels producteurs d’ammoniac en cas de pic de pollution.
Changer de modèle pour réduire les émissions d'ammoniac
La connaissance et la publication des données de qualité de l’air ne sont bien évidemment que des mesures palliatives. Notre association demande :
-
la mise en place d’une redevance sur les engrais minéraux azotés et l’interdiction des engrais les plus polluants à base d’urée ;
-
l’augmentation des aides pour des pratiques d'élevage moins émissives (systèmes herbagers, porcs sur paille, volailles en plein air…) ;
-
l’amélioration de la gestion des effluents au bâtiment et au stockage et l’interdiction des techniques d’épandages les plus émissives ;
-
la mise en place de mesures de restriction de l’épandage lors des pics de pollution.
Encore une fois, la Bretagne et les bretons souffrent des effets induits par la concentration en élevages agricoles. La baisse des émissions d’ammoniac à laquelle la France s’est engagée auprès de l’Union Européenne, ne pourra passer que par une réduction des cheptels bretons, par une transition du modèle agricole intensif hors-sol et par une meilleure répartition de l’élevage sur le territoire français.
Voir notre plaquette d’information sur l’ammoniac
* Ces concentrations dans l’air ne sont pas sans risques pour la population. Il est conseillé de prendre conseil auprès d’un professionnel de santé en cas de gêne respiratoire ou cardiaque ; de privilégier des sorties plus brèves et celles qui demandent le moins d’effort ; de réduire voire reporter les activités physiques et sportives intenses.