Mesures agricoles et guerre en Ukraine : lettre ouverte

11 mars 2022
Mesures agricoles et guerre en Ukraine : lettre ouverte

Mesures agricoles et guerre en Ukraine : lettre ouverte de 28 organisations paysannes, environnementales et de solidarité internationale au Président de la République et au Ministre de l’Agriculture pour les mettre en garde contre le risque qu'il y aurait à laisser une fois encore les portes-étendards de l'agriculture industrielle détricoter les maigres acquis de la politique européenne.

 

Il n’aura fallu que quelques jours pour que les porte-étendards de l’agriculture industrielle s’engouffrent dans la brèche créée par la guerre pour tenter de réduire la portée de la stratégie “De la ferme à la fourchette”, volet agricole du Green Deal, portée par la Commission européenne. Cette stratégie répond de manière responsable aux enjeux de l’agriculture et de l’alimentation face aux risques climatiques, environnementaux et sanitaires, en prévoyant notamment une réduction de 20% de l’usage des engrais et de 50% des pesticides d’ici 2030, ainsi que l’accroissement des surfaces nécessaires à la biodiversité.

 

Vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes

Dès le 28 février, la FNSEA a appelé à l’abandon de cette stratégie, la qualifiant de “décroissante”, et défendu une “libération de la production” pour pouvoir nourrir les peuples qui auront faim, en conséquence de la guerre en Ukraine. Discours largement relayé en Bretagne dans des prises de paroles, comme par exemple par la voix du président de la FDSEA du Finistère "Pour la FDSEA, cesser de pénaliser l’agriculture et libérer son potentiel de production sont des urgences absolues." Une démagogie dont on est malheureusement habitué. Or il faut casser un mythe : en dehors des contextes d’urgence humanitaire, la faim n’est pas une question de production mais de répartition. Un tiers des productions mondiales sont gaspillées. Si nous voulons réellement faire face à la question de l’insécurité alimentaire, ce n’est pas la course à la production qu’il faut amorcer.

 

La souveraineté alimentaire ce n'est pas ça !

En Europe comme en Bretagne, c’est tout notre modèle productiviste qui est remis en cause par la situation internationale. Notre agriculture est en effet dépendante des engrais et pesticides fabriqués à partir de gaz. Elle dépend également du pétrole pour ses machines. Gaz et pétrole, deux énergies fossiles importées en partie de Russie et dont les cours ont fortement augmenté. Nos élevages sont sous perfusion de protéines (Soja) dont les cours s'envolent régulièrement en plus d'être souvent à l'origine de la déforestation en Amérique. Est-il responsable d’appeler à une croissance de la production quand celle-ci dépend fondamentalement d’intrants fossiles importés, néfastes pour la planète comme pour notre souveraineté alimentaire ? Le contexte n’appelle-t-il pas à réviser fondamentalement le (dys)fonctionnement de notre agriculture, plutôt que de chercher à réduire à néant les rares avancées environnementales inscrites dans les politiques publiques européennes ?

Arguer qu’il faut augmenter quoiqu’il en coûte les volumes de production agricole pour nourrir le monde – en qualifiant d’irresponsables celles et ceux qui, comme nous, en questionnent la faisabilité et le bien-fondé – relève d’une vision biaisée car unilatérale de la souveraineté alimentaire.

Face à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine, des choix de société s’imposent pour nourrir l’ensemble des peuples de la planète, aujourd’hui comme demain.

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