Après 3 ans d’un ambitieux travail collectif, la Vilaine bientôt mieux protégée ?
Communiqué de presse de structures représentées à la commission locale de l’eau (signataires : Eau et Rivières de Bretagne, Bretagne Vivante, Fédération de pêche 35, Fédération de pêche 44, Fédération de pêche 56, Maison de la Consommation et de l'Environnement, FNE Pays de la Loire, UFC 44, Agrobio 35)
La Vilaine, plus grand fleuve côtier de Bretagne
La Vilaine est le plus grand fleuve côtier de Bretagne. Elle est alimentée par de nombreux affluents (la Seiche, le Meu, l’Oust, l’Ille...) pour un bassin-versant* de près de 11 000 km² soit un tiers de la surface de la Bretagne historique. Elle compte 1,3 millions d’habitants sur 507 communes et 6 départements : Ille-et-Vilaine, Morbihan, Loire-Atlantique, Côtes d’Armor principalement mais aussi la Mayenne et le Maine et Loire.
*un bassin versant est un territoire où l’ensemble des eaux de pluies confluent naturellement vers un même cours d’eau
Comment gérer les ressources en eau d’un territoire si vaste ?
Répondre à cette question est complexe et c’est l’objectif du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux ou SAGE Vilaine. Le SAGE est un document de planification qui fixe les enjeux, les objectifs et les actions pour la préservation du cycle de l’eau. Il vise à améliorer la qualité de l’eau et des milieux aquatiques tout en permettant de satisfaire les usages de l’eau (eau potable, agriculture, industrie, loisirs...). Ce document a le pouvoir de réglementer les actions qui sont néfastes aux rivières et milieux aquatiques.
La mise en œuvre de ce document est confiée à la commission locale de l'eau (CLE) plus communément appelée « parlement de l’eau » car elle est composée pour moitié d’élus locaux, pour un quart de représentants de services de l’Etat et pour le dernier quart par des représentants des usagers sous divisés entre les acteurs économiques (chambres d’agricultures, agriculture bio, conchyliculture...) et les acteurs associatifs (associations de protection de l’environnement, de consommateurs, de pêche…).
La Vilaine un bassin-versant fragilisé
Son bassin-versant est riche d’une histoire et d’une biodiversité variée. Sur la Vilaine, les étiages sont sévères et une grande partie du bassin est soumise aux inondations. En outre du fait de la géologie locale (la Bretagne est connue pour son granit et son schiste), 72 % de l’eau potable provient des eaux de surface (rivières et barrages).
Afin de préserver les ressources en eau de ce fleuve stratégiques pour l’eau potable, pour le territoire et ses habitants et pour la qualité des milieux naturels, en 2022, les membres de la CLE avaient pris la décision de se lancer dans la révision du SAGE. Cette décision, validée à l’époque à l'unanimité avait aussi acté le principe de non-régression environnementale vu la gravité de la situation.
3 ans plus tard où en sommes-nous ?
La majorité des étapes ont été franchies et ont confirmé la très forte vulnérabilité du territoire. Ainsi l’état des lieux confirme que seulement 8 % des masses d’eau du bassin-versant satisfont le bon état, que des micropolluants (notamment des pesticides) sont retrouvés dans la quasi-totalité des prélèvements, ou bien encore que plus de 12 000 bâtiments sont situés en zone à risque (inondations, submersion marine).
Les scénarios montrent que les effets du changement climatique vont augmenter en intensité, faisant croître les risques de sécheresses sévissant plusieurs années consécutives ainsi que les crues hivernales. Ces conséquences pour un territoire aussi attractif seront majeures ; l’INSEE envisage à l’horizon 2050 une population sur le bassin-versant qui pourrait atteindre 1 850 000 personnes, soit une augmentation de 33 %.
Pour répondre à ces enjeux, les orientations retenues par la CLE sont :
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Le renforcement de la protection des zones humides, avec une interdiction de destruction dès le premier mètre carré avec peu d’exceptions ;
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Le développement d’une politique foncière pour favoriser la restauration des milieux aquatiques et humides,
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Un renforcement de la protection des cours d'eau (encadrement des projets impactant les lits, berges et espaces de mobilité) et des têtes de bassins-versants ;
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Un renforcement des dispositifs d’assainissements (collectifs et individuels) pour atténuer leur impact sur la qualité des cours d’eau et des estuaires dont de nombreuses activités dépendent ;
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Une diminution de la contamination par les pesticides des eaux de surfaces et souterraines ;
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Différentes mesures visant à réduire les quantités d’eau consommées par la populations et toutes les activités économiques ...
Des citoyens mobilisés et préoccupés
Cette révision s’est accompagnée d’une large consultation des citoyens tout d’abord en mars 2023, par une enquête en ligne sur les enjeux autour de l’eau à laquelle 3558 personnes ont répondu. Puis par plusieurs ateliers sur le territoire qui ont réuni plus de 340 participant.e.s.
Plusieurs grands enseignements ont été tirés de cette consultation. Ils font état des fortes préoccupations et attentes des participant.e.s, d’une grande ambition sur les objectifs de qualité et de gestion de l’eau et également d’une volonté de faire preuve de responsabilité et de prendre en compte l’ensemble des parties prenantes impactées par la question de l’eau :
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Une attente forte sur la qualité de l’eau, tant dans les milieux naturels qu’au regard des enjeux de santé publique ;
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Une préoccupation importante vis-à-vis de l’agriculture et de son impact, le souhait d’une évolution des pratiques agricoles vers moins d’impacts sur les milieux avec des accompagnements (formation, financier...) nécessaires pour garantir la pérennité du travail des agriculteurs ;
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Le souhait d’une préservation stricte des zones humides, et d’une meilleure protection des milieux aquatiques et naturels au sens large, y compris en agissant pour limiter l’artificialisation des sols ;
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La nécessité de mieux anticiper la disponibilité de la ressource en eau, en favorisant la réduction des différentes consommations en eau…
Un travail collectif
Nos structures se sont fortement impliquées au cours de ces 3 années de travaux. Si nous aurions aimé pouvoir aller encore plus loin, nous saluons la qualité des échanges et le travail collectif qui ont été menés en bonne intelligence et qui semblent conduire vers une meilleure protection de la Vilaine.
Nos structures saluent aussi l’implication citoyenne qui a accompagné ces travaux et qui a confirmé la nécessité de définir des objectifs ambitieux, ainsi qu’un processus de consultation encore trop rare, alors que les enjeux autour l’eau constituent une préoccupation croissante pour le grand public dans le contexte de dérèglement climatique.
Nous resterons néanmoins attentifs et mobilisés jusqu’à l’étape finale de validation du document en janvier prochain par la commission locale de l’eau qui sera suivie par la signature du préfet.
Dans le climat de tension actuel, au moment où des attentes fortes s’expriment, l’effet d’une concertation démocratique sans suite serait désastreux. La Vilaine mérite d’être protégée pour nous tous, pour les milieux, aujourd’hui et demain.