Étiage 2022 | Les vraies difficultés sont devant nous

27 septembre 2022
Étiage 2022 | Les vraies difficultés sont devant nous

Depuis début septembre, les pluies tant espérées sont arrivées. Pourtant, les rivières bretonnes affichent toujours de faibles débits (proche de ceux de 1976) et les barrages continuent de se vider. Les restrictions sont maintenues mais sont-elles efficaces ? La situation que nous traversons vient tristement confirmer nos alertes sur l'insuffisance des arrêtes encadrant la gestion de ces sécheresses.

 

Avec les pluies de début septembre, parfois intenses, certains se sont rassurés un peu vite et ont pensé que la sécheresse était derrière nous. Il n'en est rien. Les sols, extrêmement asséchés, ont absorbé la majorité des pluies. Conséquence, les eaux souterraines n’en ont pas bénéficié et le niveau des rivières n'est que trop peu remonté.


 

Il existe un risque réel de pénurie

Rappelons que la Bretagne est, contrairement à ce qu'on pourrait penser, vulnérable face aux sécheresses puisque nous puisons 75% de notre eau potable dans les eaux de surface (cours d'eau et barrage). Une vulnérabilité exacerbée par l'état de la ressource : 68% de nos cours d'eau sont dans un mauvais état au regard de la directive cadre sur l'eau et de nombreux captages ont été abandonnés en raison de leur contamination aux nitrates ou aux pesticides.

En ce début d'automne, le niveau des rivières est au plus bas et les barrages continuent de se vider rapidement. Nous approchons dangereusement du point de rupture. Le barrage de Kerné Uhel (22) pourrait être à sec dans un mois, celui de la Valière (35) dans moins de 3 mois. Cette situation déjà très tendue, est aggravée du fait que les baisses de consommations attendues n'ont pas été suffisantes et que les ouvrages hydrauliques, sur-sollicités depuis des mois, accumulent les défaillances. Les forages privés viennent eux aussi à tarir, et les reports de consommation vers le réseau d'eau public qui en résultent augmentent encore cette tension.

Il est donc urgent d'alerter sur la gravité de la situation et le risque de pénurie que nous pourrions connaître dans les prochaines semaines. Si une vaste opération de communication sur la situation n'est pas rapidement engagée sur l'ensemble de la Bretagne, nous risquons de faire face, le jour où ces restrictions fortes devront être mises en place, à l'incompréhension des citoyens.


 

Les "solutions" proposées par les collectivités ne suffiront pas

La majorité des acteurs ne semblent toujours pas avoir pris la mesure des enjeux. Résultat, les restrictions ont souvent été prises tardivement et trop peu relayées par les collectivités pour être efficaces. Les dérogations qui ont été accordées, comme pour arroser les pelouses des stades, n'ont pas systématiquement été accompagnées par un renforcement des contrôles, ni même de mesures de réduction de consommation. D'ailleurs, alors que les arrêtés doivent limiter la consommation d'eau, les préfectures sont souvent dans l'incapacité de nous renseigner sur l'efficience espérée et effective des restrictions. Ce pilotage à l'aveugle n'est pas surprenant puisque aucune étude environnementale n'a été menée lors de l'élaboration des arrêtés encadrant la gestion de ces sécheresses.


 

Ne pas concentrer les efforts sur quelques grosses ressources

Les gestionnaires d'eau potable limitent encore trop souvent leurs actions aux seules solutions technologiques (grandes interconnexions, désalinisation), très coûteuses pour le citoyen et qui ne sont pas sans effet sur l'environnement. Ces même gestionnaires restent par contre encore souvent passifs sur la protection de la ressource et les économies d'eau.

 

Concentrer tous ses efforts sur quelques très grosses ressources permet certes de faciliter leur gestion mais rend nos territoires fragiles dans les périodes de tension et face aux accidents. L’exemple de l’Aulne et sa pollution par une unité de méthanisation, privant d'eau potable des milliers de bretons, est-il déjà oublié ?


 

Que faire face à cette situation qui se reproduira ?

Pour Eau & Rivières de Bretagne, il faut privilégier les solutions dites sans regret, celles qui seront bénéfiques quelle que soit l’ampleur du dérèglement climatique, et notamment :

  • Augmenter la résilience de nos territoires en optimisant les bénéfices écosystémiques des pluies : stocker l’eau au sein des paysages et des sols en la ralentissant par tous les moyens (renaturation, hydraulique douce...), en favorisant l’infiltration hivernale et la retenue printanière ;

  • Protéger et diversifier nos ressources pour l’alimentation en eau potable : renforcement et élargissement de l’aire de protection de nos captages, révision de la stratégie régionale « Captages prioritaires », réouverture des captages abandonnés, interdiction de l’usage des pesticides ;

  • Définir et faire vivre un vaste plan en faveur des économies d’eau à destination de tous les usagers : citoyens, collectivités, agriculture, industriels... passant entre autre par l’adoption d’une tarification incitative.

 

Pour garantir un accès à l’eau, nous devons tous adopter, agriculteurs, industriels et particuliers, une culture de la sobriété. Il faut avoir le courage de refuser les projets industriels fortement consommateurs d’eau quand les capacités en eau du territoire à y répondre sont dépassées.

 

C’est par la mise en œuvre d'un panel de solutions s'appuyant tout à la fois sur les services écosystémiques de nos paysages, la sobriété des usages et la protection de sa qualité que les conflits autour de l’eau pourront être évités. C'est aussi par ces mesures que nous serons en capacité de ne pas sacrifier les milieux aquatiques pour nos seuls besoins. Pour Eau & Rivières de Bretagne, il faut que nous agissions tous aujourd’hui pour moins subir demain.

 

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