Les périodes de très faibles débits ne correspondent pas toujours à des sécheresses agricoles !
L'étang du Boulet, à Feins (35) à la mi-novembre. L’Ille-et-Vilaine est encore en statut réglementaire d’alerte.
Les périodes de très faibles débits ne correspondent pas toujours à des sécheresses agricoles. Exemple avec l'année 1989. Et si, comme à l'époque, deux années sèches se succédaient ?
Suite à la publication de notre dernier article "Vers la fin de l'étiage ? Encore faudra-t-il en tirer les leçons..." nous avons reçu un message nous faisant remarquer que notre échantillon d’étiages sévères avait omis d’examiner l’année 1989, qui avait posé à l’époque des difficultés de gestion particulières. Notons qu’en plus, suite à un retour des pluies tardif et finalement assez peu important, l’année suivante 1990 été marquée par un deuxième étiage sévère, avec une contribution des eaux souterraines particulièrement modeste. Malgré quelques crues hivernales, plusieurs barrages avaient eu un remplissage faible… occasionnant une situation spécifique et critique.
Que M Bernard G. soit ici remercié pour sa remarque pertinente, qui montre qu’à se focaliser sur les baisses de débits précoces, des situations critiques peuvent échapper à l’analyse. Car en fait 1989 n’est pas une année de sécheresse agricole. C’est même un exemple très intéressant.
19891 se distingue par des pluies répétées en juin, puis début juillet qui masquent une situation hydrologique de départ peu favorable. Pour l’activité agricole, les récoltes d’herbe, de céréales à paille sont correctes.
Ce n’est que fin juillet que les débits commencent à être faibles. Oh, pas les débits les plus faibles, les quatre autres années étudiées seront plus critiques. Mais cet étiage va s’inscrire dans la durée. Et se finira seulement vers le 15 décembre, sur d’autres stations début janvier ! Il dure 132 jours au moins, 150 à 166 jours pour 75 % des sites, c’est à dire cinq bons mois. Sur la douzaine de stations que nous analysons au titre des effets du changement climatique, seules trois ont connu un autre étiage plus long au cours des 50 dernières années (Léguer, Couesnon, Jet).
La sécheresse dans l'édition du 19 août 1990 de Ouest-France.
Est-ce grave ?
La mobilisation des retenues pour la production d’eau potable a donc été particulièrement longue en 1989 et les niveaux atteints constituent encore aujourd’hui des références. Les inquiétudes des gestionnaires début octobre 2022 devant des réserves de l’ordre de 45 jours, parfois moins, dans leurs ouvrages étaient donc compréhensibles.
Il est intéressant de noter que des activités économiques extrêmement dépendantes de l’eau comme les piscicultures ne précisent jamais dans leurs dossiers comment elles font face à ce type de situation. Il est tellement plus confortable de s’arrêter à l’examen des conditions « réglementaires » comme le débit moyen mensuel de fréquence 5 ans sèche. La mission régionale d’autorité environnementale met en cause régulièrement cette paresse, mais les pétitionnaires et les services instructeurs ne semblent guère en tenir compte. Faute de compétence ?
Les conditions de remplissage hivernal sont toujours une inconnue. Notons que malgré des pluies importantes depuis début octobre, les eaux souterraines ne montraient guère de d’évolution positive au 1er novembre. Que les niveaux d’eau dans les barrages AEP semblent, en l’état de nos informations, se stabiliser mais pas encore vraiment remonter. L’Ille-et-Vilaine est encore en statut réglementaire d’alerte.
Pour ne pas être surpris demain
Nous ne parions pas sur une succession d’années sèches comme en 1989/90, mais il nous paraît nécessaire d’être extrêmement vigilants sur l’état des nappes et des barrages à la fin avril 2023. Pour agir précocement si nécessaire. Les travaux de gros entretien sur ouvrage cette fin d’année constituent une prise de risque, dont la situation de l’île de Groix cet été invite à bien peser, si des ressources alternatives ne peuvent être mobilisées
Depuis 1989/90, et surtout depuis 1976, les consommations d’eau ont cru pour diverses raisons : croissance démographique, activité économique, concentration de l’élevage, développement de l’irrigation. La relecture du passé montre que, effet du réchauffement climatique ou pas, la marge de sécurité est prise sur les milieux aquatiques.
Or plus les débits sont faibles, plus les eaux se réchauffent, plus elles deviennent difficiles à traiter ! Plus les débits sont faibles, plus la dilution de nos effluents est problématique. Les espèces vivant dans les milieux aquatiques voient leurs cycles de vie gravement perturbé. Et tout ceci dégrade aussi les conditions à la mer, alors que les estuaires sont essentiels pour la reproduction et le développement des poissons juvéniles. Autant de constats bien loin de nos quotidiens. Sauf que ceux-ci nous concernent directement.
Alors il est temps de s’interroger sur nos consommations individuelles, sur le développement des activités. Eau et rivières fait des propositions, argumente. Les autorités donnent hélas la priorité à l’économie immédiate, ne regardent pas les effets négatifs non monétaires. Que nous payons tous. Indirectement mais sûrement.
A quand une réelle gestion du commun qu’est la ressource en eau ?
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1La présentation est conforme à celle de l’article : les effets du changement climatiques sont-ils mesurables sur les rivières bretonnes ». Le lecteur est invité à s’y reporter.