Mines, le nouvel eldorado breton ?

11 juillet 2017
Mines, le nouvel eldorado breton ?

L'épidémie des années 2015 de permis exclusifs de recherche minière (PERM) en Bretagne et en France métropolitaine et d'Outre-Mer – et le risque de rechute à Tréguennec – sont la conséquence d'une politique gouvernementale visant à développer une meilleure autonomie de notre approvisionnement en métaux. Les tensions internationales, la prise de conscience de la dépendance de notre pays et plus largement de l’Europe lors de la pandémie Covid 19 et les mutations technologiques (puces électroniques, batteries électriques pour les voitures) utilisant de manière importante certaines substances (terres rares, lithium…) va relancer les demandes.

 

Ces démarches sont une première étape qui bénéficie à un tout petit groupe d’entreprises bien spécifiques.

 

Toutes sont des « Junior entreprises » françaises et ont le même mode opératoire : une ou deux personnes issues du sérail institutionnel et/ou industriel fondent une micro structure souvent adossées à une « Major » étrangère et déposent des demandes de PERM dans le but de se constituer un portefeuille, sachant qu’un permis de recherche se convertit très aisément en concession d’exploitation. Ces permis prolifèrent, tous fondés sur des données provenant aussi du sérail, en l’occurrence de l’inventaire minier réalisé dans les années 70- 80 et depuis 2010 par le Bureau de Recherche Géologique et Minière suite à l’établissement d’une liste de substances stratégiques à l’échelle de l’UE.

 

Le rôle des Juniors est d'identifier les gisements potentiels, de préparer le terrain politico-réglementaire, de susciter une spéculation boursière sur les actions de la société mère qui les finance. Si, par la suite, le permis de recherche ou la concession d'exploitation qui en découle trouve acquéreur, c'est encore mieux ! Naturellement, les fluctuations du cours des métaux influent fortement sur le montage.

 

Ce mode opératoire des Juniors implique donc de bien connaître les rouages administratifs et réglementaires du pays cible et de gérer les réactions de la population des secteurs concerné par une information a minima, ou une pseudo-concertation, ou de l'intimidation. Le cas de la Montagne d’Or en Guyane soumis « de force » à information du public qui a défrayé la chronique en 2017-18 montre les réticences des Juniors à fournir des éléments précis, à rencontrer la population et est très illustratif de la situation (voir le site de la Commission nationale du débat public).

 

Au final, on peut légitimement s'interroger sur l'objectif gouvernemental quand la quasi-totalité des Majors sont australiennes, canadiennes, sud-africaines ou anglaises, ou bien, depuis peu, brésiliennes, chinoises ou indiennes. Le cas de l’entreprise Imérys, bien implantée en Bretagne et qui valorise des minéraux non soumis au code minier mais utilise des techniques qui s’apparentent complètement à celles de l’exploitation minière montre la difficulté pour obtenir des informations non biaisées, des réponses à nos questions, un comportement pleinement responsable. Et la difficulté de parler de l’après exploitation.

 

Et l'on doit surtout s'interroger sur les non-dits des porteurs de projets et de l'Etat dans ces dossiers lourds de conséquences pour les territoires et les populations locales, pendant et surtout après la fin de l’exploitation, dont bien entendu la ressource en eau.

 

 

Code Minier : attention OJNI*

* Objet Juridique Non Identifiable

 

Le Code minier régit l'extraction des ressources énergétiques (charbon, pétrole, gaz de schiste) et minérales, sur terre et en mer (y compris les sables coquilliers), la valorisation de la température du sous-sol profond ainsi que la sécurité des ouvriers sur la base d’une liste de substances qui peut être enrichie. Dans des contextes particuliers (propriété très morcelée et quasi impossible à retrouver) des matériaux non miniers d’importance peuvent bénéficier de certaines des dispositions de ce Code. Les autres substances relèvent du régime des carrières réglementées par le code de l'environnement. Le principe de base est que l'Etat possède le sous-sol au-delà de 40 m de profondeur et que certaines substances économiquement essentielles sont mises en valeur sous son contrôle avec des prérogatives spécifiques vis-à-vis du droit de propriété.

 

Créé en 1810, le code minier a souvent été modifié au détriment de sa lisibilité, devenant « obsolète » de l'aveu même du ministre Montebourg qui lança sa réforme en 2012. On pouvait espérer à cette occasion l'introduction d'une réelle prise en compte de la protection de l'environnement, des intérêts et attentes des populations locales et un cadrage plus ferme des acteurs miniers. En effet, au fur et à mesure que les effets secondaires négatifs des mines étaient observés, il fallait colmater les insuffisances, trouver des réponses aux cas réels de dommages, et financer par l’impôt des dommages graves. A l’échelle mondiale, les mines apparaissent comme l’activité la plus polluante !

 

Le gouvernement annonçait vouloir mieux intégrer les principes de la Charte de l'environnement, mieux prendre en compte la sécurité des travailleurs et du public dans les procédures, assurer aux activités minières le haut niveau de sécurité juridique qu'elles requièrent, et de démocratiser les procédures et les rendre plus transparentes.

 

Dix ans plus tard, après de nombreux rapports et plus d’une demi-douzaine de brouillons de code et la demande de la convention citoyenne, la loi du 22 août 2021 dite « climat et résilience », si elle ne modifie pas les deux étapes actuelles, organise l’évaluation environnementale, sociale et économique pour chacune, l’information des collectivités et la participation du public. Elle apporte un certain nombre de compléments et réécritures.

 

Une ordonnance est par ailleurs prévue pour rénover le code, dont la consultation du public est actuellement en cours, ainsi que les décrets d’application. Les industriels seront plus à même de demander des assouplissements que les citoyens de se faire une opinion sur la rédaction prévue ! La liste des sujets abordés est longue. La présente fiche sera à mettre à jour en conséquence.

 

Le droit minier organise deux étapes pour déboucher éventuellement sur un projet d’exploitation :

  1. Le permis de recherche exclusif (durée 10 ans, prolongeable à 15) définit une aire d’une certaine étendue où, en fonction des inventaires existants ou par analogie de contexte géologique, différentes substances nommément désignées sont susceptibles de se trouver. Le ou les pétitionnaires (l’Etat peut organiser une mise en concurrence) décrivent les méthodes qu’ils comptent employer pour identifier les secteurs les plus intéressants (géophysiques, sondages, forages) avec un engagement de dépenses qu’il(s) s’engage(nt) au minimum à atteindre. Ils rédigent une première analyse environnementale, détaillent la conformité à la politique minière nationale, procèdent à une première analyse des effets économiques et sociaux. Cette étude est soumise à avis de l’autorité environnementale nationale pour ce qui la concerne, au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des télécommunications (CGEIET soit l’ancien CG des Mines). Le pétitionnaire doit y répondre. Les collectivités locales sont consultées sur cette base. Puis le dossier est mis à la disposition du public selon des « modalités proportionnées au projet » (sic). Une fois retenu, le pétitionnaire doit organiser une phase de concertation avec un garant, éventuellement désignée par la Commission nationale du débat public. Si certains des travaux prévus nécessitent des autorisations, elles sont accordées dans le cadre des procédures concernées. Les travaux d’investigation prévus sont soumis à enquête publique lorsqu’ils relèvent d’un régime d’autorisation (eau ou ICPE)

  2. La concession (ou titre minier) que le porteur du permis de recherche peut solliciter s’il estime les résultats positifs, sur un territoire plus précisément ciblé (il est alors seul demandeur). Il procède à une nouvelle étude environnementale, sociale et économique plus précise dont les modalités d’examen puis de soumission à l’avis des collectivités et du public sont semblables à celle de la première étape. L’autorité compétente prend alors une décision qu’elle peut assortir de conditions. C’est une fois le permis d’exploitation accordé, et dans le cadre du code de l’environnement, que les autorisations définissant le périmètre d’exploitation, les conditions précises d’exploitation et de remise en état sont données après enquête publique.

 

Dans la quasi-totalité des pays européens, le droit minier est dérogatoire du droit de l’environnement. Et des réactions de rejet se développent dans des pays aussi divers que le Portugal, la Serbie ou la Suède. Curieusement, et c’est sans doute révélateur, la directive « plans et programmes » 2001/42/CE du 27 juin 2001 qui liste les secteurs économiques concernés par sa mise en œuvre à son article 3 point 2 a) ne cite pas le secteur des mines alors même que cette activité est l’une des activités humaines les plus polluantes et dont les impacts durent bien au-delà de la fin d’exploitation !Toutefois son point 2 b) ouvre une porte en précisant que sont soumis à évaluation environnementale tous les plans et programmes lorsqu’ils ont des incidences potentiellement importantes sur les sites. Mais les permis sont-ils des plans et programmes ?

 

Le projet d’ordonnance et les décrets d’application proposent de soumettre à autorisation environnementale unique, avec ses procédures, les étapes permis de recherche et concession.

 

Ce qui serait plus strict que « selon des modalités proportionnées au projet ». A suivre donc la rédaction finale !

 

Parmi les dispositions que l’on retrouve dans le nouveau texte, on note :

  • La définition d'une politique nationale des ressources et des usages miniers par l'Etat, l’ordonnance devant donner les conditions éventuelles d’un refus au motif de son incompatibilité avec ses orientations ou avec les enjeux qu’il prévoit de préserver.

  • Le maintien du « droit de suite », qui garantit au détenteur d'un permis de recherche la priorité et le droit à une concession d'exploitation s'il en fait la demande, tout comme celui du « droit de mutation » qui permet au détenteur d'un permis ou d'une concession, de la vendre à tout moment.

  • Le recours à la solidarité nationale en cas de défaillance de l'entreprise ou après la cessation d’activité et la fin de la concession, afin d’indemniser les victimes de dégâts miniers et de remédier aux impacts qui apparaîtraient ultérieurement.

  • Les irrégularités de forme dans l’instruction ne pourront conduire à l’annulation des titres.

  • On notera que si l’autorité environnementale nationale voit ses membres nommés avec publication au JO et après déclaration d’intérêt, il n’en est pas de même pour le recours au CGEIET dont les évaluateurs seront désignés au coup par coup par son vice-président, ne garantissant aucunement leur indépendance.


 

La réduction de notre consommation de métaux, le développement du recyclage des métaux, la remédiation des sites miniers contaminés ne figuraient pas à l'ordre du jour de la COP21. Le maintien d'un développement socio-économique cohérent, la préservation du bien-être des populations et la protection de la qualité des milieux pas davantage. Quant au bilan des pollutions minières...

 

L'objectif est de produire un plan de communication pour une mine invisible et sans impacts qui « démine » le terrain auprès des populations locales à coup de promesses non contraignantes ! Il est commode d’opposer le syndrome NIMBY à la dépendance aux objets électroniques ou à la voiture des personnes opposées sans connaître le comportement personnel de celles-ci, et sans même daigner examiner certains enjeux environnementaux aussi peu vitaux que l’alimentation en eau potable, pas si abondante que cela dans notre région !

 

Et ceci alors que Rémi Galin, chef du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales non énergétiques au ministère de l'Energie, déclarait « la mine propre n'existe pas... une mine a toujours un impact sur les populations, l'environnement, elle transforme toujours un territoire. A notre charge de rendre cet impact positif ».

 

Pour approfondir le sujet : https://www.systext.org/

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