Hydrologie | Un mois d'octobre tout en contraste !

02 novembre 2023
Hydrologie | Un mois d'octobre tout en contraste !

 

Une fois n’est pas coutume, parlons de la mer1

 

D’abord pour souligner les températures exceptionnellement chaude de l’eau pour un mois d’octobre, un record, il suffisait de compter le nombre de baigneurs le week-end du 7 et 8 octobre pour constater l’anomalie !

 

Mais l’évènement marquant de ce mois d’octobre est la conjonction, le samedi 28, pour la côte sud de la Bretagne, d’une grande marée (coefficient 104) et de vents forts de secteur sud à sud-ouest qui s’est traduit par une surcote2 de 78 cm à la pleine mer à Concarneau mesurée par le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) ! Soit une hauteur du niveau au calme de 3,51 m NGF, soit seulement 7 cm de moins que l’évènement de référence utilisé par les Plans de Prévention des Risques du sud Finistère. Cette valeur paraît donc aujourd’hui insuffisante.

 

La puissance de la houle a suscité des jets de vague très spectaculaires et puissamment érosifs.

 

Des quais ont été inondés sur toute la façade sud de notre région. Les images de Quimper ont eu l’honneur des actualités nationales qui ont évoqué une crue concomitante. C’est inexact, nous y reviendrons un peu plus loin.

 

16 jours de régime sec...

Au début du mois, hormis la rosée, pas une goutte de pluie. La végétation a manqué d’eau, les sols étaient redevenus très secs en profondeur. Les quelques nappes qui avaient frémi en août ont repris leur baisse. Les débits des rivières sont restés faibles, voire très faibles, et les difficultés persistantes ont été traduites par le maintien des restrictions de prélèvement en Ille-et-Vilaine. Même si les valeurs finalement observées n’ont pas été exceptionnelles, il faut se réjouir de l’effet des pluies de printemps qui ont sauvé la mise de notre région.

 

et puis un déluge, sauf dans les Côtes d’Armor

Puis, à compter du 17 octobre, il a plu presque tous les jours, avec des cumuls quotidiens dépassant plusieurs fois 20 mm… Le Finistère a été le plus arrosé, entre 120 et 190 mm, le Morbihan entre 130 et 150 mm selon les points de mesure, l’Ille-et-Vilaine 100 à 130 mm. Les costarmoricains ont été au régime demi-sec, avec entre 50 et 80 mm, ponctuellement plus.

 

Du fait des sols très secs, les effets sur les débits se sont manifestés lentement, une fois les ruissellements immédiats (avec des pointes à 9 mm/h, les sols ne peuvent plus boire) passés.

 

La pluie du 21 octobre, avec 35 mm à Quimper et des intensités horaires élevées, n’a abouti qu’à un débit pas très élevé de l’Odet, preuve de la capacité d’absorption des sols à cette date. Et l’Odet voit ensuite son débit baisser très vite alors qu’il pleut toujours ! Pour mettre en perspective la situation, le débit moyen journalier de l’Odet est supérieur à 11,6 m³/s pendant 10 % du temps !

 

Les mêmes constats sont faits sur le Jet et le Steir qui confluent aussi à Quimper.

 

odet_oct_23.png

Données : info-climat, banque hydro et DREAL Bretagne, graphique Eau et Rivières de Bretagne

 

Les valeurs atteintes en octobre ( 11 m³/s le 28) sont donc très banales en automne et ne peuvent en aucun cas être qualifiées de « crue ». Celle qui se produit en moyenne une année sur deux a un débit moyen journalier de 28 m³/s, deux fois et demi le débit maximum observé durant ce dernier mois.

 

Les inondations de Quimper observés fin octobre sont donc principalement dues à la surcote de la mer, l’effet des débits étant très modeste.

 

Notons que, dans une configuration urbaine différente, les barrières anti-inondation de Quimperlé ont été bienvenues.

 

C’est le début d’une nouvelle année hydrologique : que nous promet-elle ?

Côté rivière, la reprise est nette en ce début novembre, même si les débits quotidiens sont dans la moyenne, ce qui au regard des précipitations récentes, souligne l’importance du sol dans la régulation du cycle de l’eau. Un point trop souvent ignoré et peu pris en compte dans les propos des acteurs publics.

 

Alors, les nappes se remplissent-elles enfin ? Les sols se sont interposés et ont stocké l’essentiel de la pluie (si vous relisez nos articles de l’automne 2022, le cumul de 150 mm de pluie était mentionné comme nécessaire pour avoir un effet). Le constat : stabilité en fin de mois en 35 et en 22, remontée inégale, parfois forte (Landrévarzec + 3m) dans le 29, débutant vers le 19/22 d’octobre.

 

La recharge va maintenant commencer compte tenu des pluies prévues en ce début novembre, à une date assez classique. Les crues vont arriver si des pluies importantes surviennent.

 

 

En résumé : les sols jouent un rôle essentiel entre la pluie, l’alimentation des plantes et les écoulements, soit vers les rivières, soit vers les nappes. Ce mois d’octobre met en évidence leur rôle régulateur. Or ils sont toujours quasi absents des discours sur le changement climatique. Une politique des sols vivants est une urgence absolue pour une régulation du cycle de l’eau.

 

La prise en compte des submersions marines est encore timide. La tempête du 28 octobre est un signal sans frais, ou à peu de frais, des événements du futur. Regardez les niveaux atteints, ajoutez 20 cm, nous sommes en 2050. Sans compter un vent plus fort, ou une pression atmosphérique plus faible...

....Et bonne année hydrologique 2023-2024 !

 

 

1 Eau et Rivières de Bretagne s’intéresse depuis de nombreuses années aux écosystèmes marins et aux relations terre-mer. La défense contre la mer fait aussi partie de ses domaines d’actions centraux.
 
2 Surcote : écart positif entre le niveau marin théorique attendu et celui observé qui intègre les effets de la pression atmosphérique et du vent lorsqu’il repousse la mer sur la côte. La mesure étant faite sur un plan d’eau calme, la houle et le jet de vague arrivant à la côte ne sont pas pris en compte.

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