Les plans anti-nitrates
Le robinet d'argent public a coulé abondamment depuis les années 90 pour financer des plans de reconquête, dont l'absence d'efficacité a été critiquée par la cour des comptes. Et les organisations agricoles majoritaires se sont opposées à toute évolution de la réglementation anti nitrates.
Les plans anti nitrates
Face à la pollution de ses rivières et de ses nappes souterraines par les nitrates, des plans anti nitrates ont été mise en œuvre en Bretagne depuis le début des années 90, par l'Etat, ainsi que par les collectivités locales organisées au travers de syndicats de bassins versants et soutenues par les financements de l'agence de l'eau. Ces plans ont dans un premier temps principalement mobilisé des actions volontaires. Devant les limites de ces démarches, ils ont progressivement mis en œuvre des obligations réglementaires ( dates d'épandage de lisier, quantités maximales à épandre sur les sols, obligation de couverture des sols en hiver etc ) qui ont été plus ou moins contrôlées suivant les années.
La concentration des élevages hors-sol a engendré d'importants excédents d'azote à l'origine de la pollution par les nitrates
Plusieurs bilans officiels ont été dressés sur l'efficacité insuffisante de ces plans anti-nitrates :
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« La politique de préservation de la ressource en eau destinée à la consommation humaine » par le Commissariat général au Plan en septembre 2001.
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« La préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne », par la Cour des comptes Fev 2002.
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« Evaluation des contrats territoriaux du volet eau du Contrat de Projet Etat-Région 2007-2013 » par l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne.
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Examen de la mise en œuvre de quelques mesures et des dérogations préfectorales. Identification de voies de progrès. Rapport CGEDD n° 013362-01, CGAAER n° 20034. (148 pages novembre 2020)
Des mesures mises en œuvre dans l'hostilité des organisations agricoles majoritaires
Trente années de programmes coûteux de restauration de la qualité des eaux et de mise aux normes des activités agricoles ont permis, grâce aux mesures concrètes ci-dessous, d'inverser en Bretagne la courbe des nitrates :
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augmentation des périodes de stockage des effluents animaux (lisiers, fumiers) ;
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abandon des épandages effectués en automne, hiver et début de printemps ;
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réduction des épandages d'engrais chimiques ;
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réduction des épandages de lisier de porcs et de fumiers de volailles ;
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mise en place de cultures permettant de couvrir les sols en hiver.
Territoire |
Epandage effluent élevage |
Epandage engrais minéral |
Pression d'azote totale |
Besoins des cultures (chiffres 2013)
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Côtes d'Armor |
111,1 |
59,6 |
170,7 |
148 |
Finistere |
109,7 |
67 |
176,7 |
150 |
Ille et Vilaine |
19,3 |
78,6 |
187,9 |
163 |
Morbihan |
108,9 |
72,2 |
181,1 |
139 |
Bretagne |
109,9 |
69,4 |
179,1 |
151 |
Des progrès ont donc été accomplis, grâce à la complémentarité
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des programmes volontaires (type Bretagne Eau Pure et programmes bassins versants),
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des démarches d'information et de formation des exploitants agricoles,
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du développement de systèmes de productions durables (systèmes herbagers en production bovine, systèmes sur paille en production porcine) et biologiques,
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de la mise en œuvre progressive d'une réglementation adaptée et mieux contrôlée.
Ce dernier volet a toujours été contesté par les organisations agricoles majoritaires, qui pourtant n'hésitent pas à se glorifier du recul des nitrates et à s'en attribuer les mérites ! « Nous avons su régler la question environnementale dans les années 1990 et 2000 » affirme ainsi sans rire le Président de la Chambre Régionale d'Agriculture Jacques Jaouen dans Ouest-France du 6 février 2016 !
Incroyable ! Surtout quand on sait, qu'à quelques rares exceptions près, les responsables agricoles, qu'il s'agisse de ceux des FDSEA ou des chambres d'agriculture, n'ont eu de cesse de s'opposer à la plupart des mesures de protection de l'eau prises en Bretagne. Les archives de notre association sont remplies d'articles de presse, de déclarations, d'appels à manifester, de compte rendus de réunions, qui illustrent la résistance farouche du syndicalisme agricole majoritaire, à une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux. Faut-il rafraîchir les mémoires défaillantes ?
Personne n'a oublié les manifestations, les menaces de mort, les saccages de locaux, qui ont ponctué le printemps 2007, quand la France a décidé , sous la menace d'une forte amende européenne, d'appliquer une directive européenne de … 1975, et de mieux protéger ses captages ?
- Qui a engagé un recours en appel -heureusement perdu- contre le jugement du Tribunal administratif de Rennes ordonnant aux préfets bretons d'interdire l'épandage de lisier en février et mars ?
- Qui a multiplié les manifestations pour s'opposer durant l'année 2015 aux contrôles environnementaux dans les exploitations agricoles ?
- Qui a appelé les agriculteurs de Bretagne à boycotter en 2014 puis en 2015, les déclarations obligatoires de flux d'azote ?
- On pourrait ainsi multiplier les exemples !
Tout n'a pas été, loin de là, aussi spontané que certains voudraient nous le faire croire !
Et à Eau & Rivières de Bretagne, on ne prend pas les vessies pour des lanternes, et les roucoulements des responsables agricoles pour parole d'évangile.
Ce rappel des faits ne doit évidemment pas masquer les évolutions positives dans les exploitations agricoles et dans les pratiques, notamment d'épandage. Mais, s'il est honnête de les reconnaître, il convient de souligner qu'elles sont pour la plupart le résultat d'obligations réglementaires, assorties d'aides financières publiques parfois importantes. Et que sur le terrain, les agriculteurs sont forcément déboussolés par le discours à géométrie variable de leurs responsables professionnels. Un jour, ils se proclament les jardiniers de la nature, et le lendemain, ils appellent à violer la réglementation environnementale. Avouez qu'il y a de quoi s'y perdre !