Les pollués payent pour les polleurs [11/02/15]
23 février 2017
Les consommateurs domestiques payent pour l'industrie et l'agriculture
La Cour des Comptes a présenté ce 11 février son rapport annuel 2015 dans lequel elle se penche sur le financement de la politique de l'eau au travers des agences de l'eau. Ces agences, établissements publics de l'Etat, perçoivent des redevances auprès des usagers, et les redistribuent sous forme d'aides à la dépollution et à la protection des ressources en eau et des milieux aquatiques.
La Cour des Comptes pointe une nouvelle fois l'injustice criante de ce financement, essentiellement supporté par les consommateurs d'eau domestiques, alors que la pollution provient pour l'essentiel des activités industrielles et agricoles faiblement taxées : "en 2013, 87 % des redevances perçues par les agences étaient supportées par les usagers domestiques et assimilés, 6 % par l'agriculture, et 7 % par l'industrie".
La faiblesse des redevances agricoles est vertement critiquée par les magistrats de la cour des comptes qui relève que " La faiblesse des redevances acquittées par l’agriculture est essentiellement due aux choix du législateur. En effet, à l’exception de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, les règles relatives aux redevances acquittées par le secteur agricole sont fixées par le code de l’environnement. Les éleveurs bénéficient de dispositions spécifiques pour le calcul de la redevance pour pollution de l’eau à laquelle ils sont assujettis. Depuis la LEMA, les élevages qui ont fait l’effort de réduire leurs effluents acquittent autant de redevances que les autres, alors que l’ancienne redevance, en les avantageant, encourageait les comportements vertueux. De surcroît, le taux de cette redevance, fixé à un niveau trèsfaible, n’a pas été augmenté par la LEMA. Enfin, bien que la loi permette de majorer le taux pour les élevages qui ont fait l’objet de condamnations au titre de la police de l’eau, cette disposition est, en pratique, dépourvue de portée du fait du faible nombre de condamnations."
Ce n'est pas la première alerte sur ce sujet de la Cour des Comptes : dans le rapport qu'elle avait consacré en février 2002 à la politique de l'eau en Bretagne, la cour critiquait déjà " un financement des programmes qui s'est affranchi du principe pollueur-payeur. Les dépenses liées à la préservation des eaux ont eu pour origine les budgets généraux des financeurs sans que ceux-ci en répercutent le coût sur les responsables des pollutions traitées. Ce mode de financement fortement redistributif à l'avantage des agriculteurs pourtant responsables au premier rang de la dégradation des eaux brutes constitue l'un des aspects les plus ambigus de la politique menée en Bretagne et jette un doute sur l'acceptabilité économique et sociale de programmes coûteux dont l'efficacité reste à démontrer".
Le programme de lutte contre les algues vertes décidé en 2010 illustre de façon caricaturale cette prise en charge par les pollués: des 150 millions d'euros de ce plan qui vise à réduire les fuites d'azote en provenance de l'activité agricole de huit bassins versants bretons, pas un centime d'euro de contribution n'a été demandé aux vendeurs d'engrais et autres coopératives agricoles à l'origine de ces pollutions nauséabondes ! L'essentiel du plan repose sur des programmes volontaires et la mobilisation des organismes de conseil agricole financés par les contribuables ! D'ailleurs relève la cour, "le montant total de la redevance élevages, pour toutes les agences, n’était que de 3 M€ en 2013 alors que le seul coût du nettoyage des algues vertes sur le littoral est estimé au minimum à 30 M€ par an".