Manquer d’eau en Bretagne, une réalité qui fait son chemin
La sécheresse est actuellement au cœur de l’actualité et il devient de plus en plus évident que la Bretagne n’est plus à l’abri de ce phénomène. Le niveau actuel de l’Odet à Quimper est presque comparable à celui de 1976, année de la grande sécheresse. Réagissons !
Une sécheresse précoce
Dès le 28 avril 2022 le préfet d’Ille-et-Vilaine plaçait le département en état de vigilance sécheresse. Le 4 mai dernier c’était au tour du préfet du Morbihan d’en faire de même. Les deux autres départements bretons sont quant à eux surveillés de près, car le niveau des rivières est déjà bas. Si ce premier niveau sur les 4 déterminés par les Préfets (vigilance / alerte / alerte renforcée / crise) ne conduit pas à des restrictions, il a pour objectif d’appeler l’ensemble des consommateurs (usagers, agriculteurs, industriels, producteurs d’eau) à la vigilance pour leur consommation en eau.
Le BRGM Bretagne nous informait dans son dernier bulletin daté du 04 mai que « Suite à un mois d’avril à pluviométrie déficitaire, les pluies efficaces sont faibles et les nappes bretonnes sont majoritairement en baisse. Au cours des 7 derniers mois, les pluies ont été inférieures aux normales. Les niveaux des nappes sont surtout modérément bas par rapport aux moyennes des mois d’avril ». Ce déficit de pluie durant la saison hivernale n’aura pas permis aux nappes phréatiques de se recharger suffisamment ; or les « pluies efficaces » pour la recharge des nappes tombent entre octobre et mars. Après, la végétation reprend ses droits et capte une grande partie de l’eau de pluie, qui n’atteint plus les nappes.Les perspectives sont d’autant plus inquiétantes qu’il n’a quasiment pas plu depuis un mois et que les estimations prédisent seulement des épisodes épars et orageux. Il faudrait pourtant une succession d’épisodes pluvieux durables pour compenser le manque d’eau, perspective qui semble de moins en moins réaliste à l’approche de la saison estivale.
En savoir plus sur comment est géré une sécheresse
Une situation de fragilité chronique
Contrairement à ce que l’on pourrait croire dans notre région réputée pour sa pluviométrie, cette situation devient inquiétante et doit amener à une réflexion globale sur l’état de la ressource en eau bretonne.
Malgré un climat océanique tempéré typique, il existe des disparités territoriales : l’ouest du massif armoricain reçoit deux fois plus d’eau que le bassin rennais, l’Ille et Vilaine étant un des départements français les plus secs (avec 750 mm/an). Ajoutons à cela une fragilité qualitative de la ressource qui ajoute un handicap pour les espèces aquatiques et pour l’adduction en eau potable : en raison d’une géologie atypique1 la Bretagne puise les 3/4 de son eau potable dans ses eaux de surface, plus sensibles aux pollutions que les nappes phréatiques, seulement 32 % des cours d’eau bretons sont en bon état, la pollution généralisée aux pesticides menace actuellement de fermetures de nombreux captages d’eau potable...
En savoir plus sur le risque de fermeture des captages en Bretagne
Si le dérèglement climatique ne se traduit pas pour l’instant chez nous par une baisse des précipitations totales, on constate par contre une modification de la dynamique des pluies : de moins en moins de « crachin breton » et de plus en plus de pluies abondantes. Or, cela modifie la proportion de l’eau qui peut s’infiltrer, plus faible que celle qui ruisselle. Une situation qui est aggravée par une artificialisation importante des sols en Bretagne, 3ème région la plus artificialisée.
La Bretagne est donc dans une situation de fragilité réelle qui devient chronique en raison du changement climatique.
1 la Bretagne se caractérise par une géologie de socle complexe, avec des roches imperméables mais altérées et fracturées (granit...), ce qui lui permet certes de bénéficier d’un réseau dense de petits cours d’eau côtiers très réactif aux sécheresses et aux prélèvements mais ses nappes sont elles de petites tailles, complexes et souvent très réactives aux pluies annuelles.
Ralentissons le cycle de l’eau !
Alors que faire ? Il s’agit de privilégier les solutions dites sans regret, celles qui seront bénéficiaires quelle que soit l’ampleur du changement climatique : amélioration de la qualité de l’eau, maîtrise des consommations, économies d’eau, etc. Attention aux mal-adaptations qui peuvent avoir des effets secondaires indésirables sur le long terme (désalinisation, bassines pour l’irrigation…).
En premier lieu, pour garantir l’accès à l’eau pour tous, adoptons tous (agriculteurs, industriels et particuliers) une culture de la sobriété. Travaillons aussi sur les fuites de nos réseaux de distribution. Refusons certains projets industriels ou agricoles fortement consommateurs d’eau quand nous ne l’avons plus. L’eau se gère sur le long terme.
En second lieu, il s’agit de ralentir le cycle de l’eau en gardant l’eau le plus longtemps possible dans nos sols. Le dernier rapport du GIEC préconise les solutions d’adaptation fondées sur la nature et la restauration des milieux qui participent au stockage de l’eau. L’agriculture est particulièrement concernée.
Les actions parfois menées de manière sectorielle devrons être généralisées grâce à des politiques plus cohérentes à l’échelle des bassins versants : reméandrage des cours d’eau, recréation d’un maillage bocager efficient, couverture des sols, gestion de la matière organique des sols, désimperméabilisation, économies d’eau pour tous les usagers etc.
C’est par la mise en œuvre d'un ensemble de solutions que les conflits autour de l’eau pourront être évités. Pour Eau & Rivières de Bretagne, il faut que nous agissions tous aujourd’hui pour moins subir demain !
Aller plus loin
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