Marées vertes : ZSCE, Eau & Rivières exige une véritable évaluation environnementale
Dans le cadre de l'élaboration des nouveaux plans de lutte contre les algues vertes (2022 à 2027) et en réponse à l’injonction que lui a faite le Tribunal administratif, l’État a présenté jeudi 17 mars dernier les nouveaux arrêtés spécifiques à chaque baie à algues vertes. Pour Eau & Rivières, il y a clairement un problème de méthode, un manque d’objectifs clairs et une stratégie globale qui manque de lisibilité. L'association réclame une véritable évaluation environnementale de ce dispositif.
Suite à l’injonction faite en juin 2021 par le Tribunal administratif demandant à l'État de compléter son programme d’action nitrate sur le volet Algues vertes, un arrêté modificatif avait été adopté le 18 novembre dernier. Celui-ci imposait 5 mesures réglementaires supplémentaires aux agriculteurs situés en baies à algues vertes :
- contrôle technique de leurs fosses à lisier et autres ouvrages de stockage,
- mesure de reliquat d’azote dans les sols,
- bandes enherbées de 10m le long des cours d’eau,
- mesure de réduction du surpâturage,
- suppression d’une dérogation spécifique aux digestats de méthanisation.
Cet arrêté prévoyait également, sur chacun des bassins versants à algues vertes, à l’initiative des Préfets des Côtes d’Armor et du Finistère, la mise en place de programmes d’actions spécifiques, parmi lesquelles certaines pouvant être rendues obligatoires par arrêté au bout de 3 ans.
Ce jeudi, le Préfet des Côtes d’Armor présentait ces mesures obligatoires à 3 ans : les arrêtés ZSCE (Zone Soumise à Contraintes Environnementales).Ils fixeront des objectifs à atteindre de manière volontaire par chaque exploitation agricole (avec des aides) d’ici 2025. À cette date, l'État pourra imposer réglementairement ces mesures là où l’objectif n’est pas atteint.
Découvrir la présentation du 17 mars 2022
Problème de méthode
Sur la forme, Eau & Rivières dénonce d’abord le manque de concertation. Ni notre association, ni aucune association de protection de l’environnement, n’ont été associées aux travaux d'élaboration autour de ces arrêtés dans chacune des baies. Le Préfet du Finistère ayant même choisi de ne pas inviter les représentants associatifs à la réunion de lancement du plan de lutte contre les algues vertes début décembre. Alors même qu’Eau & Rivières est officiellement membre du comité régional du plan de lutte contre les marées vertes depuis 2018, et à l’origine du contentieux ayant amené l’État à prendre des mesures spécifiques aux baies à algues vertes ! Notre association n’a pourtant jamais refusé de participer aux discussions et son niveau d’expertise sur ces questions est reconnu par tous.
De plus, les préfets des Côtes d'Armor et du Finistère qui sont désormais à la manœuvre, n'ont pas adopté les mêmes méthodes de travail. Dans le Finistère, aucune réunion d'information avec les associations n'a été organisée et ne semble envisagée, contrairement aux Côtes d'Armor qui a réuni à deux reprises un comité départemental algues vertes.
Certes, Eau et rivières a rencontré depuis le début de l'année, à deux reprises et en bilatéral, le sous-préfet aux algues vertes Etienne GUILLET, mais si pour l'Etat c'est sa vision de la concertation, ça ne l'est pas pour Eau et rivières qui n'est pas dupe et sait que les débats, les rapports de forces et les arbitrages se font ailleurs.
Quels objectifs ?
Les objectifs visés par l’État à travers l’arrêté modificatif du 18 novembre et les programmes d’actions sur chaque baie à algues vertes (dont les projets d’arrêtés ZSCE font partie) ne sont pas clairs : que veut dire pour l'État "réduire les marées vertes à un niveau acceptable" comme indiqué dans la diapo n°5. A minima le SDAGE Loire-Bretagne du 3 Mars 2022 s'impose. Les SAGE devront s'y conformer et les plans de lutte contre les algues vertes aussi.
Pour Eau & Rivières qui s’appuie sur les données des scientifiques, la baisse des taux de nitrates sous les 10 mg/L dans les baies à algues vertes est le seul objectif permettant de réduire de 50 % les marées vertes. Ce doit être le cap fixé. Les moyens doivent être mobilisés en conséquence, au risque de devoir aller vers de nouvelles déconvenues et un discrédit renforcé des pouvoirs publics auprès de la population.
Des mesures réglementaires complexes et souvent déjà vues
Sur le fond, si quelques unes des mesures offrent un intérêt dans la lutte contre les fuites d'azote (couverture des sols, gestion des zones humides et des espaces proches des cours d'eau), le reste ne fait que reprendre des promesses de "fertilisation sans fuites" maintes fois revendiquées en Bretagne.
Rien sur la limitation des apports en azote minéral.
Rien sur la renaturation paysagère en tête de bassin (bocage et dédrainage).
Rien sur un dispositif d’accompagnement à la réduction du cheptel et le rétablissement du lien au sol.
Dans un contexte où aucun moyen supplémentaire en matière de contrôle ne viendra compenser la baisse de 30% des effectifs de l'État, calculée par la Cour des comptes sur la période 2010-2019.
Au final, on ne sent aucunement une ambition d'agir globalement sur les systèmes de production et de réduire massivement la pression azotée.
Pour Eau & Rivières, le minimum que nous sommes en droit d'attendre est que ces propositions de ZSCE fassent l'objet d'une analyse objectivée. Nous demandons qu'une évaluation environnementale complète (avec avis de l'Autorité environnementale) soit réalisée.
Une absence de cohérence
En parallèle, et depuis la sortie du rapport de la Cour des comptes, l’État met en avant de nouveaux dispositifs d’aides pour les agriculteurs sur les baies à algues vertes, notamment une nouvelle mesure agro-environnementale et climatique (MAEC - algues vertes) pourtant bien décevante. Destinée aux élevages porcs et volailles et aux cultures légumières, elle ne permettra pas de faire évoluer les pratiques des exploitations agricoles dans leur ensemble, comme peuvent le faire les MAEC herbagères destinées aux bovins.
Les agriculteurs se retrouvent aujourd’hui coincés entre des mesures réglementaires complexes pour préserver tant bien que mal l’environnement, et une Politique Agricole Commune (PAC) les poussant à produire toujours plus, sans tenir suffisamment compte de la qualité de l'eau, de la biodiversité et du bien-être animal.
Plutôt que de gaspiller encore de l’argent public à rechercher des méthodes de ramassage en mer, qui ne sont que des solutions palliatives sans aucune perspective, aidons les agriculteurs vertueux et ceux qui veulent le devenir à développer des modèles plus résilients.
L’État, la Chambre d'agriculture et beaucoup d'élus manquent d’audace, d'ambition, d'innovation ! Les baies à algues vertes pourraient être les laboratoires de la transition agro-écologique, qu’il devient urgent d’engager !