Mesures de l’ammoniac dans l’air : l’agriculture bretonne toujours en cause
Air Breizh publie les premiers résultats de sa campagne de mesures de l’ammoniac dans l’air en Bretagne. Eau & Rivières de Bretagne pointe le rôle des épandages dans cette pollution de l'air ainsi que les rejets inquiétants de Timac agro à Saint-Malo (35).
Dans le cadre du Plan régional santé environnement, Air Breizh a mesuré l’ammoniac dans l’air en Bretagne, gaz à l’origine de la pollution aux particules fines. Objectif : connaître la répartition spatiale et temporelle de ce polluant au cours de l’année. Cette campagne a été réalisée du 3 novembre 2020 au 4 mai 2021, sur six points de mesures situés dans trois communes : Rennes (35), Merléac (22) et Saint-Malo (35).
Mise en évidence du rôle des épandages agricoles du printemps
La Bretagne est la première région émettrice d’ammoniac en France avec 17 % des émissions nationales sur seulement 5% de la surface métropolitaine. Ces émissions sont très clairement liées au système agricole breton, responsable de plus de 99% de l’ammoniac rejeté. Une augmentation de la concentration est constatée pour tous les points de mesures à partir de la mi-février, période où commencent les épandages agricoles. Epandages qui correspondent aussi à des pics de concentrations très importants, jusqu'à 10 fois la moyenne enregistrée !
Consulter les résultats de la campagne de mesures d'Air Breizh
Saint-Malo toujours soumise aux rejets de l’agro-industrie
Sur les six points de mesures, trois ont été placés à Saint-Malo où la question de l’ammoniac est prégnante. Des rejets excessifs d’ammoniac de l’entreprise malouine Timac Agro (production d’engrais minéraux azotés agricoles) avait été sanctionnés par une mise en demeure de la préfecture en 2018 suite à une forte mobilisation de nos associations.
Une alerte bien justifiée car c’est à Saint-Malo que les concentrations moyennes les plus élevées ont été détectées, en particulier à proximité d’un des sites de la Timac. Ce résultat inquiète les associations car, au moment des mesures, l’entreprise était censée être revenue à des concentrations réglementaires. C’est pourquoi nous soutenons fortement la demande d’Air Breizh d’y effectuer une analyse en continu.
Lire nos articles sur la saga Timac
Et après ? Nous demandons une amélioration des suivis
Si les résultats de cette étude sont éloquents et doivent alerter l'adminstration, ils ne suffisent pas pour évaluer l’ampleur de la pollution, notamment en zone rurale, ou pour agir lors des pics de pollution.
Sur la base de ses premiers résultats, il est indispensable d’approfondir cette connaissance :
-
en installant un réseau de stations de mesures permanentes réparties sur tout le territoire breton, en particulier en zone agricole (un seul point aujourd’hui concerné) et sur les sites industriels à risque ;
-
en développant des dispositifs d’alerte vers les agriculteurs et les industriels producteurs d’ammoniac en cas de pic de pollution.
La seule connaissance ne suffira pas, elle doit s’accompagner de changement de pratiques et d’une évolution plus générale des systèmes à travers :
-
la mise en place d’une redevance sur les engrais minéraux azotés et l’interdiction des engrais les plus polluants à base d’urée ;
-
l’augmentation des aides pour des pratiques d'élevage moins émissives (systèmes herbagers, porcs sur paille, volailles en plein air…) ;
-
l’amélioration de la gestion des effluents au bâtiment et au stockage et l’interdiction des techniques d’épandages les plus émissives ;
-
la mise en place de mesures de restriction de l’épandage lors des pics de pollution.
D’une manière générale, la baisse des émissions d’ammoniac à laquelle la France s’est engagée auprès de l’Union Européenne, ne pourra passer que par une réduction des cheptels bretons, par une transition du modèle agricole intensif hors-sol et par une meilleure répartition de l’élevage sur le territoire français. Les entreprises polluantes localement doivent quant à elle être suivies de très près afin de respecter la réglementation.