Moules sous tailles | Le littoral ne peut pas servir de décharge !
La demande d'Autorisation d'occupation temporaire pour le dépôt de plusieurs milliers de tonnes de moules sous tailles sur l'estran est actuellement en enquête publique.
Le Comité Régional Conchylicole de Bretagne Nord (CRCBN) dépose une demande auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine pour obtenir une autorisation environnementale pour déposer les moules non commercialisables sur l'estran des communes de Cherrueix, Hirel et Le Vivier-sur-Mer.
Il s’agit d’un dépôt estimé à 2 200 à 3 600 tonnes par an pour une production de 10 000 tonnes de moules commerciales, soit 20 à 30 % de la production commercialisée.
Cette demande d'autorisation a été soumise à l'avis du public via l'enquête publique qui se clôt aujourd'hui, mercredi 07 juin.
Après étude du dossier, Eau & Rivières de Bretagne, APEME et Bretagne Vivante considèrent que le Domaine Public Maritime n'a pas vocation à recevoir les déchets d'une quelconque activités économique. A l'inverse, nous insistons sur le fait qu'il est du devoir de chaque acteur de tout faire pour restaurer le bon fonctionnement du milieu marin, comme nous l'y engage l'Union européenne par la directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM).
L'AOT doit être compatible avec l'affectation du domaine public et le bénéficiaire doit payer une redevance
L’AOT est délivrée par la personne morale propriétaire ou gestionnaire du domaine public, dans les conditions fixées par le code général de la propriété des personnes publiques. Elle est personnelle, temporaire, précaire et révocable. L’activité exercée par le bénéficiaire doit être compatible avec l’affectation du domaine public.
Sauf exceptions, cette occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance qui doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’AOT. Autrement dit, en cas d’occupation du domaine public, une redevance d’occupation est en principe due.
=> Donc, pour prétendre à une AOT, le projet du CRCBN devrait satisfaire deux conditions :
- être compatible avec l’affectation du domaine public,
- payer une redevance.
Sur la (in)compatibilité de l’activité de dépôt des sous produits animaux (moules sous tailles) avec l’affectation du domaine public maritime (DPM)
- Une activité économique qui, du fait de son emprise, modifie le milieu naturel
L’activité mytilicole de bouchots en Baie du Mont Saint Michel n’a commencé que dans les années 1950. Son extension et son intensité ont été telles que cette activité a profondément modifié le milieu dans lequel elle s’exerce. Ainsi, la masse d'eau de la baie du Mont Saint Michel a failli être qualifiée de fortement modifiée de part l'activité mytilicole. Nous rappelons également l'avis d'Ifremer émis dans le cadre de la consultation publique de 2021 sur le même sujet du rejet des moules sous tailles sur l'estran.
« La question des rejets de moules sur l’estran rejoint celles de l’impact des cultures marines sur deux points :
- Modification physique : tout comme les structures conchylicoles, la modification de l’état physique du milieu est forte mais reste limitée aux alentours proches des structures. Ici, les moules épandues représentent un apport coquillier sur les chemins d’accès aux parcs. Ces chemins sont inféodés aux techniques actuelles de la conchyliculture et ne peuvent déjà plus être considérés comme des espaces naturels.
- Modifications des peuplements benthiques : l’enrichissement en matière organique du milieu et la hausse de demande en oxygène associée qu’elle entraîne, peuvent provoquer un appauvrissement de la biodiversité par disparition des espèces les plus sensibles et une augmentation de l’abondance de certaines espèces opportunistes. C’est une des conséquences de l’eutrophisation. Dans les zones de culture marine, cet apport est essentiellement dû aux rejets de fèces et pseudo-fèces par les coquillages. Concernant les épandages de moules, c’est directement la dégradation de la chair des moules rejetées qui se décompose qui est responsable de l’augmentation du taux de matière organique. Les apports en matière organique dans la baie du Mont-Saint-Michel sont donc issus du cumul de ces deux sources. Il s’agit là du principal impact des épandages et il fait l’objet de ce présent avis. »
- Le dépôt de moules non commercialisables, à l'encontre de l'objectif de maintenir ou restaurer le bon fonctionnement du milieu marin
Même si les études scientifiques et l’étude d’impact n’ont pas encore permis de déconvoluer la part des sources de pression de la dégradation de la masse d’eau de la Baie du Mont Saint Michel (entre pression provenant de l’activité de production et celle de l’activité de dépôt des moules sous taille), il n’en demeure pas moins que le fait de stocker plusieurs milliers de tonnes de moules non commercialisables pour qu’elles se dégradent sur l’estran est une pression supplémentaire contribuant à la dégradation la qualité de l’eau (pollutions organique, bactériologique, et eutrophisation).
Nous rappelons qu’en tout état de cause, les actes administratifs doivent observer les dispositions légales (notamment nos engagements européens fixés par la DCE et la DCSMM) et concourir à l’atteinte des objectifs fixés par le plan d’actions du Document Stratégique de Façade NAMO adopté le 6 mai 2022 par les préfets coordonnateurs. Dans la déclaration environnementale du plan d’actions du DSF NAMO, il est écrit que « La planification spatiale en mer et sur le littoral vise à maintenir ou restaurer un bon fonctionnement des écosystèmes marins tout en permettant l’exercice des usages en mer pour les générations futures dans une perspective de développement durable. ».
Sur le paiement d'une redevance
Sur cette seconde condition, il n’est nulle part écrit dans le dossier qu’une quelconque redevance serait due par le CRCBN. Ces dépôts sont une activité économique au profit non pas du CRCBN mais des mytiliculteurs qui sont les producteurs détenteurs des déchets.
Pour aller plus loin
Notre avis complet - Eau & Rivières de Bretagne, APEME et Bretagne Vivante
L'avis complémentaire de l'APEME et de Site et Monuments de France