Pesticides au robinet : les captages d'eau potable menacés de fermeture
Après avoir demandé, sans succès en mai dernier l’interdiction de l’usage du S-métolachlore sur tout le territoire breton au Préfet de la région Bretagne, Eau & Rivières porte cette fois sa demande auprès des ministres de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique.
Le S-métolachlore est un désherbant homologué notamment. sur maïs, haricots, pois et betterave. Cette substance était le 4e pesticide le plus vendu en Bretagne en 2019, soit plus de 110 tonnes.
Le S-métolachlore et ses métabolites sont désormais responsables d’une contamination généralisée de l’eau bretonne, superficielle comme souterraine. Qui plus est, à des concentrations dépassant les limites de qualité pour l’eau potable. En Bretagne, en 2019, l’ESA métolachlore a été quantifié dans toutes les stations d’eau superficielle échantillonnées. Encore plus préoccupant, il dépassait la limite des 0,1 µg/L dans plus de 92 % des cas ! Précisions que l’ESA métolachlore est reconnu pertinent par l’Anses et qu’à ce titre, il ne doit pas dépasser une concentration de 0,1 µg/L dans l’eau potable pour qu’elle soit reconnue conforme.
En Côtes d’Armor aujourd’hui, 37 % de la production totale d’eau potable du département est touchée par la présence de métabolites en eau traitée. Ce chiffre monte à 43 % pour la production d’eau souterraine, et, pour cette dernière, aucune des stations de production d’eau potable concernées n’est en capacité de traiter les métabolites.
Nitrates et pesticides, même résultats ?
La mémoire collective est courte, le contentieux européen sur les nitrates n’est pourtant pas si loin. Et les fermetures de captages qui en ont découlé en Bretagne non plus. Doit-on s’attendre à des fermetures encore plus nombreuses et qui concerneraient aussi cette fois des ressources en eau souterraines ?
De nouveaux investissements, toujours plus coûteux vont être nécessaires
Du fait de ce contentieux nitrates, de nombreuses usines de production d’eau potable bretonnes ont été équipées de filières de traitement visant à abattre les concentrations en polluants. De lourds investissements coûteux supportés par le plus grand nombre et particulièrement le consommateur d’eau. Désormais, la majorité de ces filières sont inaptes à abattre suffisamment la concentration en ESA métolachlore et permettre de délivrer au consommateur une eau conforme au robinet. De nouveaux investissements, toujours plus coûteux vont être nécessaires sans avoir la certitude d’être efficaces.
Une interdiction nécessaire
Compte-tenu de cette contamination généralisée et durable, Eau & Rivières de Bretagne avait demandé l’interdiction de l’usage du S-Métolachlore sur tout le territoire breton au Préfet de la Région Bretagne en mai 2021.
Une demande restée sans réponse. Cette absence équivaut à un refus tacite contre lequel notre association a déposé un recours auprès du tribunal administratif le 14 septembre 2021.
Nous avons choisi de réitérer notre demande auprès des préfets de départements en ciblant cette fois les aires d’alimentations de captages ou à défaut les bassins versants eau potable. Des courriers restés eux-aussi sans réponses à ce jour. Nous saisissons cette fois les Ministres de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique de cette question.
En effet, tant que l’usage du S-métolachlore perdurera, il n’y a pas de raison penser que la situation s’améliorera. Le Luxembourg a interdit l’usage de ce pesticide sur son territoire en 2015. Néanmoins, 6 ans plus tard, ses métabolites y contaminent toujours les eaux souterraines. Pour rappel, les dérogations prévues aux articles R-1321-26 et suivants du Code de la santé publique permettant la distribution d’une eau non-conforme au robinet sont possibles pour 3 ans et renouvelable une fois, soit 6 ans.
Des mesures préventives de protection insuffisantes
Force est de constater que nous ne sommes pas parvenus à l’impérieuse nécessité de protéger notre eau, et encore moins notre eau potable, de ces polluants.
Le Haut conseil de la santé publique rappelle que « toutes les actions visant à protéger ou restaurer la qualité des ressources sont préférables à la mise en œuvre de solutions curatives ». Elles sont d’ailleurs beaucoup moins coûteuses pour la société. L’agence de l’eau Seine-Normandie estime que les coûts sont jusqu’à 87 fois plus élevés pour le curatif.
C’est aussi l’avis de notre association et c’est, malheureusement déjà ce que nous soutenions à l’époque du contentieux nitrates : il n’y a pas de bonne qualité de l’eau potable sans une bonne qualité de l’eau brute et des milieux.
Notre association demande la fin de l’usage des pesticides de synthèse au plus tard en 2024 et l’interdiction immédiate du S-métolachlore.
D’ici là, et afin que notre ressource la plus précieuse soit protégée des pollutions diffuses, les mesures de protection de tous les captages eau potable doivent être renforcées et notamment mises en œuvre à l’échelle des aires d’alimentation de captage (AAC) ou à défaut aux bassins versants. De même, toutes les mesures préventives doivent être prises pour réduire les usages et limiter le transfert des pesticides.