Le plan déchets du Morbihan : illégal ! [24/5/17]
Le plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux du Morbihan a été adopté par une délibération du Conseil Général le 24 juin 2014.
Suite à cela, 3 associations ; Eau & Rivières de Bretagne, Bretagne Vivante et Déchets et Incinération du Pays de Pontivy ont déposé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de Rennes.
Près de 3 ans plus tard, le 24 mai 2017, le Tribunal administratif de Rennes rend sa décision. Il décide d’annuler le plan départemental déchets du Morbihan et donne satisfaction aux demandes des associations.
Nous en sommes heureux et ce d’autant plus que les affirmations du juge nous confortent dans notre combat au contentieux.
Voici les 4 arguments juridiques qui ont été débattus.
1- La recevabilité d’Eau & Rivières de Bretagne est reconnue.
Bien que les statuts de l’association prévoient que l’association a pour objet la protection de l’eau, et que la décision litigieuse porte sur les déchets, Eau & Rivières de Bretagne a bien intérêt pour agir. Pourquoi ? Parce ce que, comme le rappelle fort bien le juge, « la gestion des déchets fait partie des moyens permettant de lutter contre la pollution des sols et des eaux » et que l’évaluation environnementale du plan déchet, étude préalable nécessaire à l’adoption du plan, doit comprendre un volet sur les effets notables probables de la mise en œuvre du plan sur la santé humaine, la diversité biologique, les sols, les eaux. Ici, le juge s’appuie sur l’article R. 122-20 du code de l’environnement.
2- L’estimation du volume des déchets issus des déchets d’activités économiques (DAE) doit être connue avec précision.
Le juge rappelle qu’une évaluation environnementale insuffisante ne peut entraîner l’illégalité de la décision d’adoption du plan de gestion, que si cette insuffisance a pour effet de nuire à l’information complète et influe la décision finale d’adoption. Or, comme l’ont soulevé les associations, il se trouve que pour organiser la gestion des déchets, encore faut-il connaître finement le volume et la nature des déchets à traiter. Et sur ce point, il a été pointé la méconnaissance des DAE rendant impossible toute prévision et planification. Cette insuffisance a bien été caractérisée comme nuisant à l’information du public et ayant eu une influence sur le contenu du plan de gestion des déchets.
Il est donc bien clair que l’on ne peut gérer que ce que l’on peut chiffrer…
3- La hiérarchie des modes de traitement des déchets consiste à privilégier, dans l'ordre :
a) la préparation en vue de la réutilisation ; b) le recyclage ; c) toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) l'élimination.
Des dérogations à cette hiérarchie peuvent être prévues dans le plan à la condition qu’elles soient justifiées. Or, le juge souligne qu’une dérogation concernant 69 % de la population départementale, ne peut plus être regardée comme une dérogation. Il maintient à cet égard une fermeté intéressante et pragmatique !
4- Le principe de proximité de traitement des déchets est appliqué à l’échelle des bassins de vie voire du département : il doit être traité avec sérieux et donner lieu à une traduction concrète sur le territoire.
Or, il est rappelé que le Morbihan est un « aspirateur à déchets » ! Il enfouit 200 000 tonnes de déchets / an importées. A ce constat, s’ajoute le fait que le plan déchet du Morbihan ne prévoit qu’une optimisation des équipements existants et d’augmenter les capacités de traitement et non une réflexion sur l’ensemble de la filière. Cette ultime insuffisance a également été sanctionnée par le juge qui a considéré qu’elle constitue une autre cause d’illégalité de la décision d’adoption du plan de gestion des déchets du Morbihan.
Un succès juridique apprécié, une décision qu’on ne mettra pas à la poubelle...
Crédit photo: ©Eco-Emballages/William Alix /Sipa Press