Pesticides | Les ministres refusent l’interdiction, nous déposons un recours
Après le Préfet de la région Bretagne, les préfets des 4 départements de la Bretagne historique, nous avions demandé aux ministres de l’Agriculture et de l’alimentation, de la Transition écologique et des solidarités et de la santé d’interdire l’usage du S-Métolachlore, un désherbant utilisé sur maïs (principalement) et responsable d’une contamination généralisée de la ressource en eau.
Nos courriers adressés aux ministres le 25 octobre 2021 n’ont reçu aucune réponse dans un délai de 2 mois. Ceci constitue un refus tacite de leur part. Nous venons de déposer à l’encontre de ce refus un recours auprès du Conseil d’État.
Voici, parmi d’autres, 5 raisons qui ont poussés notre association à déposer ce recours :
L’eau potable est contaminée par des résidus du S-métolachlore
La contamination de la ressource en eau est généralisée par l’ESA-métolachlore et l’OXA-métolachlore, des molécules de dégradation du S-métolachlore appelés aussi métabolites. Le premier a été quantifié dans toutes les stations échantillonnées des cours d’eau bretons en 2019. Il dépassait même la limite de conformité pour l’eau potable fixée à 0,1 µg/L dans plus de 92 % des cas ! Ces dépassements rendent obligatoire un traitement de l’eau pour retirer cette molécule et envisager de délivrer une eau potable conforme au robinet.
Malheureusement toutes les stations de productions d’eau potable ne disposent pas de systèmes de traitement ; ceux existant peuvent se révéler insuffisamment efficaces entraînant la distribution d’eau potable ne respectant le seuil de conformité pour les pesticides. L’Agence Régionale de Santé Bretagne (ARS) estimait, en novembre 2021, au bas mot à 700 000 le nombre de bretons alimentés par une eau non-conforme en ESA-métolachlore.
Des alternatives à l’usage de ce désherbant existent
Pour en finir avec la contamination généralisée de la ressource en eau et compte-tenu de la persistance des molécules dans le milieu naturel, cesser l’usage du S-métolachlore est une réponse raisonnable. D’autant plus qu’il existe des alternatives, notamment mécaniques, à son utilisation.
Plus largement, la surface agricole dédiée à la culture du maïs dans notre région mérite d’être interrogée. D’autant que parfois, le maïs ensilé rejoint des méthaniseurs. Polluer durablement l’eau pour une production qui n’a rien d’alimentaire n’est en rien satisfaisante.
L’autorisation de mise sur le marché du S-métolachlore aurait du être revue à l’échelle européenne depuis près de 8 ans
Les substances actives pesticides sont autorisées à l’échelle européenne pour une durée de 10 ans, charge aux états membres d’autoriser les produits en contenant. L’autorisation du S-métolachlore avec une procédure complète, est échue depuis le 31 juillet 2015 mais prolongée depuis lors, chaque année, au niveau de l’union européenne sans nouvelle évaluation. Comment tenir compte alors des nouvelles connaissances sur l’usage de ce produit et de ses impacts ?
L’autorisation de mise sur le marché délivrée pour les produits contenants du S-métolachlore par la France n’a jamais pris en compte le risque de contamination de la ressource en eau par ses métabolites malgré qu’une recommandation figure à ce sujet au niveau européen depuis 2005.
C’est le fabricant, lui-même, qui a partiellement pallié au manque en demandant aux utilisateurs de son produit d’en limiter l’usage sur les zones sensibles aux pollutions diffuses. Comble de l’histoire, par manque d’études scientifiques indépendantes sur les effets des métabolites du S-métolachlore, l’État lui-même s’appuie aujourd’hui sur les préconisations du fabricants pour édicter des restrictions d’usage. Une belle preuve d’indépendance !
L’État avait la latitude nécessaire pour mettre fin à la contamination de l’eau par les résidus du S-métolachlore
La réglementation encadrant l’utilisation des pesticides en France offre toute la latitude nécessaire à l’État pour interdire un pesticides qui présenterait des risques pour la santé et l’environnement. En effet, l’article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime indique en toute lettre dans son premier alinéa que : « Sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans délai le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. »
Les traitements pour la production d’eau potable devront être renforcés et risquent de faire augmenter le prix de l’eau
L’inaction de l’État face à la menace, connue, de la contamination de l’eau par les résidus de ce désherbant est en grande partie responsable de cette contamination généralisée de l’eau.
Pire, l’État se désengage au dépend des collectivités locales et des producteurs d’eau, leur demandant de régler le problème et de prendre à leur charge les surcoûts liés aux traitements supplémentaires nécessaires pour délivrer une eau conforme au robinet.
In fine, c’est de nouveau le consommateur d’eau qui va mettre la main au porte-monnaie pour financer les conséquences d’une contamination annoncée de longue date.
Par le dépôt de ce recours, Eau & Rivières de Bretagne réaffirme sa demande de voir la fin immédiate de l’usage du S-métolachlore sur nos territoires et rappelle son ambition de voir la fin de l’usage des pesticides d’ici à 2024.
Résumé des épisodes précédents :
Pesticides au robinet : les captages d'eau potable menacés de fermeture - 25 octobre 2021
Eau potable : les pesticides dépassent les normes ! - 27 août 2021
Pour protéger l’eau, nous demandons l’interdiction du S-Métolachlore - 18 mai 2021