Pesticides | Le S-métolachlore sera retiré du marché
La mobilisation d’Eau & Rivières qui a fait de l’interdiction du S-métolachlore un combat symbolique dans la lutte contre les pesticides a payé. L’Anses annonce, et c’est rare, la procédure de retrait pour les principaux usages de cet herbicide, l’un des plus utilisés en France. Mais il y a toujours un mais...
« Notre association a enfin été entendue dans son combat contre le S-métolachlore, un pesticide qui a contaminé nos campagnes et notre eau », se félicite Dominique Le Goux, chargée de mission Santé et environnement. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) lance la procédure de retrait pour les principaux usages du S-métolachlore. Ce pesticide était dans le collimateur de notre association, qui en avait fait une campagne nationale.
L'Anses dit avoir mené une expertise sur le risque de contamination des eaux souterraines par l'herbicide. Les résultats indiquent des "concentrations estimées supérieures à la limite de qualité fixée par la législation européenne". En retirant le S-métolachlore du marché pour une partie de ses usages, l'Anses espère ainsi "réduire la contamination de l'environnement par cette substance et une restauration progressive de la qualité des eaux souterraines".
Cela fonctionnera-t-il ? Difficile d'annoncer le temps nécessaire pour amener cette procédure de retrait à son terme, mais une chose est certaine, cela ne signifie pas une mise au placard complète et définitive. En effet, si l’utilisation du S-métoachlore en désherbage de pré-levée sur maïs est substituable par des pratiques alternatives, désherbage mécanique notamment ; celle sur pois ou haricots risque de poser plus de difficultés sans évolutions des systèmes agricoles. « Nous ne sommes pas à l’abri de substitution par d’autres produits tout aussi nocifs. Nous avons déjà pu constater ce phénomène par le passé », explique Dominique Le Goux.
« Nous ne nous leurrons pas, les achats d’herbicides pour la campagne culturale en cours ont déjà été réalisés »
Quand il est épandu, le S-métolachlore se dégrade en plusieurs résidus, les métabolites, qui migrent vers la ressource en eau et y restent présents durablement. « Ce constat a enfin été reconnu par l’Agence qui a décidé d’agir », réagit Arnaud Clugery, porte-parole d’Eau & Rivières de Bretagne.
Mais l’Anses ne fonde pas ses motivations sur la toxicité de cet herbicide et de ces métabolites pour la santé humaine vis-à-vis de la consommation d'eau potable mais bien sur la capacité de ces derniers à contaminer les milieux naturels et en particulier la ressource en eau : « L’évaluation montre que les concentrations estimées des trois métabolites métolachlore-ESA, métolachlore-OXA et métolachlore-NOA dans les eaux souterraines sont supérieures à limite de qualité fixée par la législation européenne en la matière », précise l’Agence.
« Nous ne nous leurrons pas, les achats d’herbicides pour la campagne culturale en cours ont déjà été réalisés, rajoute la chargée de mission. Le S-métolachlore sera encore épandu cette année ». Qui plus est les métabolites resteront encore eux aussi pendant de longues années dans notre environnement.
Eau & Rivières combat le S-Métolachlore depuis longtemps
Après avoir demandé au Préfet de la région Bretagne l’interdiction de l’usage du S-Métolachlore sur tout le territoire breton en mai 2021 ; après avoir porté cette même demande auprès des préfets de départements en ciblant cette fois les aires d’alimentations de captages ou à défaut les bassins versants eau potable ; Eau & Rivières, n’ayant reçu aucune réponse, a saisi en octobre 2021 les ministres de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique pour faire interdire l’usage de cette substance.
Essuyant encore une fois un refus, nous avions déposé un recours contre cette décision, une procédure toujours en cours.
Eau & Rivières de Bretagne avait alors dénoncé le manque d’anticipation de l’administration française face à la contamination généralisée. Pointé du doigts par certains pour des surtranspositions excessives, l’État français s’était pourtant montré très laxiste ne prenant pas en compte la précision de l’Union européenne, connue dès 2005 : « les États membres doivent : accorder une attention particulière à la possibilité de contamination des eaux souterraines, en particulier par la substance active et ses métabolites CGA 51202 et CGA 354743, lorsque la substance active est appliquée dans des régions sensibles du point de vue du sol et/ou des conditions climatiques ».
Exactement le cas de la Bretagne...
Le S-métolachlore en Bretagne
Il est le 4e pesticide le plus vendu en Bretagne en 2019. Lui et ses métabolites sont désormais responsables d’une contamination généralisée et durable de l’eau bretonne, superficielle comme souterraine.
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