Tribune | agriculture : le bon grain et l’ivraie

06 décembre 2024
Tribune | agriculture : le bon grain et l’ivraie

Arnaud Clugery, directeur et porte-parole d’Eau & Rivières de Bretagne estime qu’il faut faire la part entre les attentes légitimes des agriculteurs sur le principe « aux mêmes produits, les mêmes normes » et les demandes purement corporatistes.

 

Sous le fatras des revendications agricoles actuelles, il est indispensable de distinguer le bon grain de l'ivraie. Face à la surenchère à laquelle se livrent la FNSEA et la Coordination Rurale un peu partout en France et aux violences et aux dégradations insupportables, il n’est pas facile de faire la part entre attentes légitimes et demandes corporatistes totalement déraisonnables.

 

Il faut affirmer avec force que les produits agricoles achetés à l'étranger doivent répondre aux mêmes exigences de qualité que nos produits français. Les normes que nous appliquons en Europe ont pour but de préserver la santé publique, de maintenir une agriculture de qualité, de protéger les ressources naturelles, de garantir une alimentation saine, de prévenir les épizooties et de contrôler le bilan carbone : cette ambition ne peut être remise en cause. Par souci d'équité comme d'efficacité, elle doit évidemment s’appliquer également aux produits importés, y compris aux produits destinés à l’alimentation animale, qui entrent en compétition avec ceux cultivés selon nos normes. Il est stupéfiant que la négociation européenne sur le MERCOSUR ait pu s'engager en niant ce principe d'évidence : aux mêmes produits, les mêmes normes.

 

Hélas, derrière cette exigence légitime d'une concurrence loyale et de revenus décents pour les agriculteurs, c’est une tout autre stratégie qui se déploie, qui vise à faire reculer les politiques environnementales, stratégie basée sur le mensonge d'une pseudo surtransposition des directives européennes et d'une agriculture qui serait étouffée par les normes environnementales. C’est l’absence de ces normes dans les pays hors Union Européenne qui justifie la contestation du traité du MERCOSUR, mais si on écoute certaines revendications elles devraient être abrogées en France ? Ces normes permettent une concurrence loyale entre les entreprises agricoles au sein même de notre pays, mais leur application ne devrait pas y être contrôlée, laissant place à la loi du plus fort ou du moins vertueux ? Quelle cohérence dans ces revendications ?

 

Faut-il rappeler que les pesticides sont responsables de l’essentiel de la perte de la biodiversité dont nous dépendons ? Que les pollutions sont un gouffre pour les finances publiques ? Peut-on continuer de subir la présence des métabolites des herbicides dans l’eau potable ? Peut-on ignorer les maladies professionnelles liées à l’emploi de ces pesticides ? L’alimentation doit préserver la santé et l’environnement, et non les menacer.

 

S’il ne veut pas aggraver encore davantage la dette publique et écologique que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants, le prochain gouvernement doit faire enfin preuve de responsabilité et de discernement et rejeter l’ivraie des revendications déraisonnables, plutôt que les soutenir.

 

Oui à une agriculture nourricière qui assure un revenu décent aux agriculteurs. Non à une agriculture qui les empoisonne, qui nous empoisonne, et qui détruit l’environnement.

 

Cette tribune est parue dans Le Télégramme le 4 décembre 2024

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