Extension de carrière | Le Leff menacé, l'administration trompée
Ce jeudi était examinée par le Tribunal administratif de Rennes l’autorisation d’extension de la carrière de Coatmen à Tréméven (22) à proximité immédiate du Leff. Si celui n’a pas rendu sa décision, les conclusions du rapporteur public sont sans appel.
L’accord préfectoral malgré les insuffisances
La SA Carrières Rault exploite la carrière de Coatmen depuis plusieurs dizaines d’années. Fin 2020, une enquête publique avait eu lieu présentant le projet d’extension de celle-ci ainsi qu’une prolongation de la durée d'exploitation pour 30 ans à compter de la délivrance d'autorisation. Notre association avait contribué à cette enquête dénonçant les manques et fragilités du dossier présenté. Qui plus est, nous considérions que la demande ne satisfaisait aucun des enjeux du schéma des carrières breton. La commissaire enquêtrice avait elle-même, et cela est suffisamment rare pour le noter, donné un avis défavorable à cette demande. Qu’importe le 13 avril 2021, le Préfet des Côtes d’Armor donnait son feu vert au projet. À la suite de quoi, Eau & Rivières de Bretagne, Ensemble sauvons le Leff et son patrimoine (ENSALEP) et la Société d’études historiques et archéologiques du Goëlo (SEHAG) déposaient un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté préfectoral accordant le projet.
Une fraude manifeste
Le tribunal administratif de Rennes a examiné notre recours. S’il n’a pas encore rendu sa décision, prévue le 4 avril prochain, le rapporteur public, lui, a donné son avis, à l'occasion de l'audience tenue ce jeudi 14 mars. Ce dernier retient une « fraude par anticipation » du pétitionnaire. Il conclut donc à l’annulation sèche de l'arrêté d'autorisation.
Donjon, où es-tu ?
En effet, les exploitants de la carrière de Coatmen ont été condamnés en 1999 à la remise en état du donjon classé à l’inventaire des monuments historiques, donjon qu’ils avaient détruit en 1993. Cette remise en état n’est toujours pas effective et ne l’était pas plus lors de la demande d’extension. En échange, les exploitants proposaient la création d’un belvédère à bonne distance des vestiges abandonnés qui, à terme, se retrouveraient inaccessible et perchés sur un pic rocheux à 80 mètres du fond de la carrière, funeste destin pour un monument classé. Sacrifier définitivement le donjon et ses abords pour obtenir l´extension de la carrière, une ligne rouge était franchie.
Selon le rapporteur public, il s’agit ni plus ni moins que d’une tromperie ; l’autorisation ayant été obtenue en trompant l’administration.
Le Leff menacé
Autre élément retenu par le rapporteur public : l’impact de cette extension sur le Leff, via les eaux souterraines. Rappelons que celles-ci contribuent entre 60 et 80 % au débit du Leff en période d’étiage. L’étude d'impact s’était à ce sujet contentée de généralités. Aucune description du site lui-même et des évolutions attendues n'étaient présentées !
Pour nos associations, les conclusions du rapporteur augurent d’une décision mettant un contrevenant devant ses responsabilités. Le patrimoine naturel et architectural ne peut pas être saboté à grands coups de pelleteuses en toute impunité.
Voir notre actualité du 16 novembre 2020 et notre contribution à l’occasion de l’enquête publique
Voir notre actualité du 20 janvier 2021 et l’avis défavorable du commissaire enquêteur :