Atlas socioculturels | La genèse du projet

31 juillet 2023
Atlas socioculturels | La genèse du projet

Le projet d'atlas trouve en partie sa source en Nouvelle-Zélande, dans les méandres du fleuve Whanganui, et oui !

 

Afin de comprendre pourquoi Eau & Rivières de Bretagne s'est saisie de la culture comme levier du changement au bénéfice de la nature, nous vous proposons une description complète de l'histoire des atlas culturels.

 

La Bretagne et l'eau

Peu perméable, granitique, le sous-sol breton favorise le ruissellement l’eau en surface créant ainsi un réseau hydrographique dense. Celui-ci s’étend sur 30 000 km de cours d’eau et se découpe en plus de 560 bassins versants débouchant à la mer.
32 % des cours d’eau sont en bon état écologique, selon l’Agence de l’eau Loire Bretagne. Avec cependant des très fortes disparités entre les départements : en Ille-et-Vilaine, par exemple, seuls 3 % des cours d’eau en bon état. Pourquoi les autres sont en mauvais état ? A cause des pesticides (57 %), de la morphologie (53 %), de l’hydrologie (42 %) et des obstacles à la continuité écologique (41 %).

 

Les débuts d'Eau & Rivières

Cela fait plus de 50 ans qu’Eau & Rivières de Bretagne existe pour défendre et protéger la qualité de l’eau et des milieux aquatiques.


A la fin des années 60, quelques pêcheurs se désespéraient d’hécatombes de saumons, liés à la pollution de l’eau, à la destructions de rivières. La Bretagne connaissait des changements rapides et radicaux, notamment dans le domaine de l’agriculture. L’objectif était de produire plus et plus vite, en oubliant un volet crucial : la protection de la nature. On arrachait les pommiers sur les talus comme on arrachait la langue bretonne dans la bouche des pratiquants, au nom du « progrès ».

 

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Des chantiers rivières sont alors organisés par quelques militants. Des centaines de jeunes et moins jeunes, amoureux des rivières, paysans et ostréiculteurs débarquent au bord des cours d’eau, bottes aux pieds. C’est le début des prises de conscience sur la fragilité des équilibres naturels. Cette période coïncide avec le réveil de la culture et de l’identité bretonne : Alan Stivell et sa harpe, les festoù-noz la création des écoles Diwan, écoles immersives en langues bretonnes…

En 50 ans, l’association s’est professionnalisée, a élargi ses compétences. Eau & Rivières a permis l’émergence de nouveaux métiers, comme celui de technicien de rivières, introduit une nouvelle organisation de la gouvernance de l’eau à l’échelle des bassin-versant avec les premier contrats de rivière (1983, sur le Trieux), inventé les classes de rivières… et a fait avancer la jurisprudence sur l’eau et les milieux aquatiques.

L’une de nos plus belles victoires c’est d’avoir fait condamner Monsanto pour la publicité mensongère, Roundup "produit biodégradable".

Eau & Rivières compte plus de 800 décisions de justices à son actif avec un taux de réussite insolent de plus de 90 %.

 

Eau & rivières aujourd'hui : un échec ?

Aujourd’hui notre association compte 1655 adhérents et 97 associations membres. Nous sommes nous mêmes membres de France nature environnement, FNE (900 000 adhérents), et avons contribué à fonder FNE Bretagne (130 associations membres et 25 000 adhérents).

Notre mission c’est d’avoir une eau de qualité, accessible à tous et des milieux aquatiques protégés.

Pour y arriver, nous actionnons plusieurs leviers :

  • l’éducation à la nature, auprès de jeunes, mais pas que ;
  • la formation et l’information pour sensibiliser un plus grand nombre de Bretons ;
  • la participation au dialogue environnemental ;
  • et l’action, quand c’est nécessaire, l’action juridique par exemple.

 

Mais force est de constater que tout ce que nous avons pu mettre en œuvre depuis 50 ans ne suffit pas : le peu que nous avons sauvé est loin d’être suffisant.

Il y a toujours des algues vertes sur nos plages, des pesticides dans nos champs et nos assiettes et des poissons morts dans les rivières… Mais ça n’est pas notre genre de nous résigner. Alors quel nouveau levier activer pour remédier à cet échec ?

 

i'm the river and the river is me

Quels droits pour nos rivières ? C’est la grande question que nous nous sommes posés en 2019, à l’occasion de notre cinquantième anniversaire… Nous partions d’un point de départ : l’eau ne doit plus être représentée seulement par les consommateurs, les préleveurs, les pollueurs, elle doit aussi l’être par tous ceux qui occupent les divers espaces et interagissent sur ces milieux… En somme, la communauté de destins autour de l’eau relie tous ceux qui habitent un même territoire, abritant les mêmes milieux aquatiques.

En une phrase : une véritable solidarité doit s’inventer avec l’eau…

 

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Nous en avons eu l’illustration avec le témoignage de deux Maoris, qui nous ont parlé de leur fleuve, le Whanganui. Pour eux, le fleuve fait partie intégrante de la famille. Il permet l’approvisionnement en ressources et le transport. En échange les tribus régulent et valorisent le fleuve. Leur devise : « I’m the river and the river is me ». En 2017, a été instaurée le Te awa tupa, la loi de protection du fleuve qualifié d’être vivant unique et doté d’une personnalité juridique propre, lui permettant d’être représenté dans les procédures judiciaires.

 

Après ce témoignage, qui a beaucoup marqué la communauté  d’Eau & Rivières, nous nous sommes questionnés : faut-il de nouveaux  droits pour nos rivières ? Nos juristes nous ont convaincu du contraire, les lois existent en droit en français, il manque seulement des moyens  à la justice pour les faire appliquer. Mais s’il y a un droit plus nécessaire aujourd’hui à la nature c’est bien de requestionner la place de l’être humain dans la nature et son rapport à celle-ci, ses attachements et peut-être, à partir de là, accepter de donner plus de place à ceux qui ont un rapport sensible à la nature et pas seulement rationnel  et consumériste.

 

Revenir au point de départ

Alors nous nous sommes inspirés des peuples autochtones, ceux qui n’ont pas été emporté balayé par le modernisme et le progrès. Nous sommes repartis vers nos racines, vers ce qui nous lie à la rivière, au vivant, à notre culture.

C’est en reliant culture et nature que nous comptons re-construire la solidarité territoriale autour du cycle de l’eau pour peser un jour réellement dans les choix de développement de la Bretagne.

Une vaste idée, un grand principe que nous avons confronter à nos adhérents, à nos partenaires.

 

D’emblée, la Région Bretagne s’est montrée intéressée. Son objectif d’alors est de recréer du lien entre la politique de l’eau et les citoyens, démontrer qu’il existe une forme de culture commune autour d’un même cours d’eau. Car ce vécu commun appelle à une gestion solidaire de la ressource entre l’amont et l’aval, entre la terre et le littoral. Une manière aussi, selon nous, de rééquilibrer les points de vue lors des prises de décisions… qu’au technique et à la froideur de l’économie de marché on puisse opposer le sensible et la notion de Bien commun.

 

Démarre alors la partie foisonnante d’échanges avec un certain nombre d’experts, de témoins. Nous allons voir les Druides du Gorssed de Bretagne, qui prônent une reconnexion nature et culture. Nous rencontrons Bretagne culture diversité, association qui facilite l'accès aux ressources et aux connaissances sur la Bretagne et la diversité de ses cultures. Nous échangeons avec des artistes, avec le service culturel de la Région ainsi que le service inventaire. Et puis nous rencontrons les urbanistes de la Scop Cuesta…

 

Elles nous parlent du projet qu’elles mènent sur les berges de la Vilaine, à Rennes et ses alentours. L’objectif du commanditaire, la Métropole, est de révéler cette zone de 3 500 hectares, de faire émerger une identité de territoire et de préfigurer les usages. Des artistes de différentes disciplines sont associés au projet pour créer des expériences collectives… le début d’une approche sensible et artistique pour rendre visible les attachements…

 

Les prémisses de l'atlas

A la Région et à Eau & Rivières, ça fait tilt et c’est là que nous imaginons l’atlas des rivières bretonnes. Une carte sociale et culturelle d’un fleuve. Et nous décidons de nous lancer sur une rivière, que nous choisissons

grâce à plusieurs critères. Nous cherchons :

  • un cours d’eau qui n’est pas trop long – mieux vaut commencer petit ;
  • un territoire en bon état écologique ;
  • une zone où nous serons bien accueillis par les élus,
  • et un territoire où les associations, notamment de protection de la nature, sont présentes et motivées

 

Et nous tombons d’accord sur le Belon, connu par ses huîtres et ses tadornes...

C'est le début d'une nouvelle aventure, le premier atlas socio-culturel des rivières bretonnes, à découvrir en cliquant ici.

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