Le gouvernement sacrifie les zones humides
Nouveau recul des normes environnementales, la protection des zones humides a pris du plomb dans l'aile. Le 17 juillet 2024, le journal officiel a publié un arrêté du ministre de l'écologie qui affaiblit leur protection.
Malgré une consultation qui avait suscité une forte mobilisation...
Jusqu'ici, l'arrêté du 9 juin 2021 fixant les prescriptions techniques applicables à la création de plans d'eau interdisait dans son article 4 toute création en zone humide. Mais le ministre de l'écologie a signé le 3 juillet un nouvel arrêté modifiant cet article, anéantissant ainsi ces milieux si précieux : l'implantation de retenues ou de plans d'eau artificiels, dans les zones humides, est de nouveau permise, pour peu que la surface impactée fasse moins d'un hectare.
Début juin, Eau et Rivières de Bretagne, tout comme un grand nombre d'organismes et de citoyens, s'alarmait de cette proposition et avait contribué à la consultation.
La lecture du bilan de la consultation confirme la forte mobilisation et l'importance de la préservation des zones humides. Ainsi, on apprend que sur 4126 avis déposés plus de 85% d'entre eux sont opposés à cette évolution.
Lire la contribution d'Eau et Rivières de Bretagne
... le gouvernement décide de sacrifier les zones humides
Il y est aussi précisé dans ce bilan que " Les commentaires défavorables sont exprimés en grande partie par des professionnels de l’eau et de la protection de la biodiversité, des associations de protection de l’environnement, des citoyens et quelques agriculteurs." Le bilan précise aussi que : "Il est important de noter que de nombreux commentaires sont chiffrés, documentés et sourcés (sites et communications gouvernementaux, études scientifiques, rapport d’établissements publics, décisions de justice). ... que la mesure n’est pas suffisamment justifiée d’un point de vue politique, technique et scientifique et que les conséquences de cette évolution règlementaire n’ont pas été évaluées. Beaucoup voient dans ce texte un déni des études scientifiques qui démontrent le rôle essentiel des zones humides pour le cycle de l’eau, alors même que ces études sont souvent financées sur fonds public."
Enfin, on peut aussi y lire que les opposants à cette évolution réglementaire, Eau et Rivières de Bretagne inclus, "invitent à orienter et soutenir les usagers de l’eau vers une démarche globale de sobriété. Ils considèrent que l’agriculture a besoin d’un véritable accompagnement technique et financier et que l’Etat ne doit pas encourager et soutenir un modèle d’agriculture intensive qui n’est plus viable."
Accéder à la synthèse de la consultation
Malgré ces nombreux arguments, le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a, avec la publication de cet arrêté, choisi de céder une fois encore au lobby agricole.
Les zones humides : des écosystèmes qui doivent être préservés !
Pourtant le site du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires précise : "Les zones humides fournissent, gratuitement, de nombreux services écosystémiques. Par leur richesse en habitats et en espèces, leur rôle d’infrastructure naturelle, leur place comme support d’activités et cadre de vie de qualité, les milieux humides sont des espaces à forts enjeux écologique, économique et social". C'est ce même ministère qui vient de publier l'arrêté les sacrifiant.
Selon les experts, "61 % des zones humides de la partie terrestre du territoire breton auraient disparu" (état des lieux des altérations, enjeux de la restauration – forum des marais atlantiques – Avril 2020) et elles sont toujours menacées en raison de l'urbanisation, de l'intensification de l’agriculture ou encore des pollutions. Cette modification de la réglementation est d’autant plus inquiétante qu’une partie non négligeable des zones humides disparues le sont pour avoir été transformées en plans d’eau. Rien qu’en Bretagne, près 10 992 hectares de zones humides auraient déjà été dégradées pour installer des plans d’eau.
Pour Arnaud Clugery, porte parole d'Eau et Rivières de Bretagne, « cette limitation des mesures protectrices des zones humides est une aberration totale au regard des enjeux de préservation de la biodiversité, et de l'adaptation au dérèglement climatique. Elle constitue une régression de la réglementation environnementale. Le gouvernement doit l'abandonner. »