Encore et toujours des eaux polluées dans le Bas-Léon

28 juin 2019
Encore et toujours des eaux polluées dans le Bas-Léon

Les discours annonçant que la qualité de l’eau s’améliore en Bretagne sont optimistes mais la réalité est plus contrastée. Les eaux du Bas-Léon sont toujours polluées. Lors de la commission locale de l’eau (CLE) du Sage Bas-Léon, les dernières analyses des polluants dans les rivières seront rendues publiques. Elles sont toujours catastrophiques.

Contexte 

Le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) du Bas-Léon fait faire, depuis quelques années, par le laboratoire Labocéa de Plouzané, des analyses de polluants dans les rivières du nord de Brest entre Plouarzel et Goulven. Les paramètres recherchés sont le nitrate, le phosphore, les pesticides et les bactéries. Les analyses sont faites depuis quelques années soit à dates préétablies soit après de fortes pluies. Les résultats des analyses de 2018 ont été présentés lors de la Commission locale de l’eau du Sage du Bas-léon, réunie le 27 avril 2019 au matin à Kernilis.

 

Avis général 

Eau et Rivières de Bretagne salue tout d’abord cet effort d’inventaire des contaminations de l’eau, indispensable pour faire un état des lieux actualisé ainsi qu’ un bilan des effets des actions initiées et pour pouvoir initier ou solliciter d’autres actions correctives.

 

Analyse de l’état des lieux par paramètre

 

Nitrate

A part la rivière de Coat-Méal et un ruisseau de Landunvez (le Gwentrez) qui dépassent toujours les 50 mg/litre (classe mauvaise), la plupart des rivières du Bas-léon sont en classe médiocre (25 à 50 mg NO3/litre).Les fuites de nitrate (ou flux spécifiques) par hectare de surface agricole sont qualifiées de très élevées selon la grille régionale du Conseil scientifique (supérieures à 40kg N/hectare/an).

Globalement, alors que les concentrations en nitrate ont baissé régulièrement entre les années 2000 et 2015, elles semblent arriver à un palier entre 2016 et 2018. Or l’on sait que ces concentrations sont encore trop élevées et provoquent toujours par endroit des marées vertes côtières.

 

Phosphore 

A part un ruisseau de Landunvez (celui du Château), tous les cours d’eau analysés dépassent la norme de 0,2 mg/litre définie par le Sage. Les pics de concentration sont analysés en période de pluie, ce qui démontre une origine diffuse soit agricole (ruissellement sur les sols), soit urbaine (eaux usées dans le réseau pluvial). Ce phosphore alimente le développement de cyanobactéries toxiques dans certains plans d’eau et est à l’origine principale du phytoplancton toxique dans les estuaires.

 

Pesticides 

Les analyses d’un nombre important de pesticides, en particulier en période de pluie au printemps et en été, révèle une forte contamination de tous les cours d’eau du Bas-léon. Aucune rivière ne respecte les objectifs de qualité définie par le Sage. En effet toutes présentent, à chaque campagne d’analyses, au moins une substance à plus de 0,1 microgramme par litre et des concentrations cumulées systématiquement supérieures à la norme de 0,5 microgramme par litre.

Le suivi révèle une grande diversité de molécules retrouvées (entre 20 et 38 pesticides retrouvées dans les rivières du Bas-Léon, surtout des herbicides agricoles). Ce suivi a aussi permis d’analyser un cocktail de 29 pesticides au même instant dans le même échantillon. Les molécules le plus souvent analysées sont le Glyphosate et son produit de dégradation l’AMPA, des produits de dégradation du nicosulfuron, de l’acétochlore, du métazachlore ainsi que le diuron et des produits de dégradation de l’alachlore, du métolachlore et de l’atrazine,quatre produits pourtant interdits. A noter aussi que, chaque année, des molécules disparaissent et d’autres apparaissent, mais en quantité il en existe autant et la contamination des cours d’eau du Bas-Léon par les pesticides continue à être généralisée.

 

La concentration totale en pesticides est jugée « élevée », elle atteint 2,26µg/litre le 5 juin à Penfoul (Landunvez), 2,435µg/litre le 5 juin sur la rivière de Gwisselier (Ploudalmézeau) et 1,985µg/litre le 5 juin dans la rivière de Tréompan ( Kouer ar Frout ). Il s'agit là d'un cocktail de molécules pesticides impressionnant. L'effet cocktail est souvent évoqué par les scientifiques et médecins pour alerter sur les effets des pesticides.

On constate une forte augmentation des concentrations en métabolites de pesticides début juin et des concentrations qui demeurent importantes durant l'été. Les concentrations de début juin sont justifiées par les déversements massifs de pesticides dans les champs à cette période de l'année. Les fortes concentrations estivales sont inquiétantes car les rivières étudiées se jettent toutes sur des plages où des enfants jouent (dans les ruisseaux) où les baigneurs et surfeurs évoluent.

Pour nos rivières L P K ( Landunvez, Ploudalmézeau, Kouer ar Frout ), plusieurs pesticides à l'origine de ces métabolites sont interdits : alachlore, atrazine, acétochlore. « Le metolachlore est interdit en France depuis 2003, et a été remplacé par un produit très proche le S-métolachlore . » (Wikipedia)

Une majorité des molécules détectées sont destinées aux cultures de maïs. Or, le maïs produit dans notre zone géographique est exclusivement destiné à l'alimentation des cochons. On peut donc relier directement l'élevage intensif à la pollution de nos rivières et de nos plages par les pesticides. En plus de polluer les eaux de baignades par les bactéries fécales, on peut aujourd'hui affirmer que l'élevage intensif de porcs pollue chimiquement les plages avec des produits dangereux pour la santé humaine.

 

Bactéries 

Aucune des rivières du Bas-Léon n’est classée en bonne qualité ; elles sont beaucoup en classe moyenne (entre 100 et 1000 E.coli dans 100 ml) et plusieurs sont mauvaises (plus de 1000 E.coli par 100 ml). Lors des pluies, les ruissellements entrainent des bactéries fécales diffuses. On peut atteindre des pics par endroit à plus de 20000 bactéries par 100 ml d’eau ce qui est considéré très mauvais.

Si la provenance des bactéries fécales est aussi bien humaine qu’animale, le fait de trouver des pollutions systématiquement en zone rurale (exemple de l’Aber Benoit amont) laisse soupçonner l’origine animale prépondérante dans plusieurs endroits. Ces bactéries fécales peuvent trouver leur origine dans des écoulements de sièges d’exploitation, dans des abreuvements dans les ruisseaux, dans des pâturages près de ruisseaux, dans des épandages de lisier sur pente et sans obstacle au ruissellement.

 

Bilan et constat d’Eau et Rivières de Bretagne 

Alors que l’on entend des discours optimistes annonçant que la qualité des eaux s’améliore en Bretagne, que la Bretagne est exemplaire… force est de constater que de fortes pollutions des eaux existent encore dans notre territoire du Bas-Léon. Certes le nitrate a vu, comme ailleurs, une baisse régulière depuis 15 ans, mais on assiste actuellement à un palier, alors que les doses sont encore trop élevées pour éradiquer les marées vertes.

 

Concernant les pesticides et les bactéries, notre territoire du nord-Finistère est en état de pollution importante généralisée. La forte pression de cultures et d’élevages sur notre territoire semble être l’élément principal de cet état de fait, et ceci avant la population humaine qui doit avoir un part de responsabilité.

 

Si des actions sont menées contre les pollutions d’origine humaine (interdiction des pesticides, assainissements collectif et non-collectif), par contre l’emprise des élus sur le domaine agricole ne se fait pas. Eau et Rivières de Bretagne demande donc aux collectivités de ne pas continuer à nier la responsabilité agricole dans ces pollutions des eaux, demande aux députés de légiférer pour pouvoir éradiquer ces pollutions et sollicite l’administration pour qu’elle joue pleinement son rôle dans le domaine de l’élevage (arrêt des extensions d’élevage, règles plus fermes sur les épandages et réduction de ceux-ci, etc…). En outre l’administration doit aussi jouer son rôle pour éviter à l’avenir les grosses pollutions accidentelles (comme les déversements de lisier, les débordements de stations d’épuration) qui ont anéanti ces deux dernières années la biodiversité de la Flèche, du Quillimadec, de l’Aber Wrac’h et de l’Aber Benoit aval.

 

Le SAGE du Bas-Léon s’est fixé de bons objectifs en terme de qualité des eaux de son territoire. Malheureusement ce n’est pas la Commission locale de l’eau qui possède les leviers d’actions. Par contre elle doit peser de tout son poids pour les solliciter et faire en sorte que les grosses pollutions chroniques et ponctuelles disparaissent un jour sur le Bas-Léon.

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