Arrêtés cadre sécheresse : une victoire en demi-teinte

Ce mardi 15 avril, la Cour administrative d’appel de Nantes s’est prononcée concernant l’issue de nos recours contre les arrêtés cadre sécheresse, dits « ACS ». Ils avaient été entrepris par les préfets de chaque département breton avant l’importante sécheresse de l’année 2022. Ce litige avait donné lieu, en avril 2023, à plusieurs jugements du Tribunal administratif de Rennes par lesquels Eau & Rivières n’avait obtenu que partiellement gain de cause.
Pour rappel, ces ACS, dont le régime est prévu au sein de l’article R. 211-67 du code de l’environnement, ont pour objet de programmer « les mesures à prendre et d'organiser la gestion de crise en période de sécheresse » afin que la disponibilité de la ressource en eau, tant pour les écosystèmes que pour la population civile, soit dans une certaine mesure assurée. Ils déterminent notamment, « la ou les zones d'alerte sécheresse, indiquent les conditions de déclenchement des différents niveaux de gravité de sécheresse et mentionnent les mesures de restriction à mettre en œuvre par usage ou type d'activités en fonction du niveau de gravité (…) ».
Ils sont donc de première importance, puisqu’ils conditionnent la manière avec laquelle, selon l’état de la ressource en eau sur un territoire donné, la tension sur cette même ressource pourra être gérée, notamment en ajustant le degré de contrainte imposé sur les usages. Les « gros » usages relevant principalement du secteur économique, la programmation des mesures établies dans les ACS auront surtout pour effet d’encadrer le fonctionnement d’activités économiques pendant la période concernée, les restrictions qui leur seront imposées, les dérogations aux restrictions également…
En dépit de la profonde utilité que pourrait avoir une évaluation environnementale dans ce cadre, et du caractère éminemment programmatique d’une telle réglementation, force est de constater que l’État français n’a pas jugé pertinent de rendre cette évaluation obligatoire pour les ACS. Une première aberration que nous avons cherché à corriger via nos recours, car la situation nous semblait méconnaître la bonne transposition de la directive européenne applicable sur le sujet (directive « Plan / Programmes », 2001/42/CE).
Nous contestions également le fait qu’en l’état des ACS bretons, les conditions dans lesquelles l’autorité préfectorale peut adapter sur demande les mesures de restriction n’étaient pas suffisamment cadrées, comme l’oblige pourtant le code de l’environnement.
Ces éléments n’avaient pas été retenus en première instance, mais le sont partiellement en appel. En effet, le juge d’appel, s’il ne retient pas notre argumentaire concernant le caractère obligatoire de l’évaluation environnementale pour les ACS, procède tout de même à l’annulation d’un partie des ACS contestés « en tant qu’ils ne définissent pas les conditions dans lesquelles le préfet peut, à titre exceptionnel, à la demande d'un usager, adapter les mesures de restriction s'appliquant à l’usage de l’eau ».
Victoire en demi-teinte donc.
La question de l’évaluation environnementale étant trop importante, qui plus est au regard des épisodes de sécheresse amenés à se pérenniser du fait du dérèglement climatique, Eau & Rivières de Bretagne se réserve la possibilité de saisir le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation. Nous ne manqueront pas de vous tenir informés des suites de notre action sur ce sujet.
Les arrêts :
Arrêt de la Cour administrative d'appel pour le département 29
Arrêt de la Cour administrative d'appel pour le département 35
Arrêt de la Cour administrative d'appel pour le département 56