Climat et eau : un bien curieux début d'automne

02 octobre 2023
Climat et eau : un bien curieux début d'automne

La Bretagne a connu finalement, à la différence des deux tiers du pays une année hydrologique 2023 assez paisible dès lors que les pluies de mars et avril ont permis de saturer les nappes, les sols et assurer aux rivières un débit d’entrée d’été plutôt élevé. Ce qui ne signifie pas que les tensions sur la desserte en eau potable soient résolues. La Bretagne reste fragile face à des sécheresses précoces. L’Ille-et-Vilaine est en situation de déséquilibre chronique qui ne se résoudra pas à coût de barrage ou de longs transferts. L’élévation des températures qui concerne aussi notre région nous annonce des difficultés de traitement liées à la qualité des eaux brutes de surface qu’il serait temps d’anticiper.

 

 

Septembre 2023 : l’été perdure !

Le mois de septembre restera le plus chaud depuis le début des observations météorologiques sur la Bretagne aussi, avec des températures supérieures à la normale, sauf pendant trois jours ! Ajoutons un régime des pluies très irrégulier. Les orages du 20 septembre, entre 20 et 38 mm selon les postes, représentent plus de la moitié des précipitations du mois (il semble y avoir eu des zones sans pluie).

 

Le bilan global de ce mois de septembre est un déficit de pluie de 10 % en Ille-et-Vilaine, variable et de l’ordre de 15 % en Finistère et Morbihan, entre 30 et 40 % en Côtes d’Armor ! Traduction pour la végétation : évapotranspiration inhabituelle, une alimentation par les pluies chaotique, une repousse de l’herbe irrégulière mais une maturation précoce du maïs. Ce qui devient préoccupant est la tendance météo très sèche annoncée par les modèles pour la première quinzaine d’octobre. Les sols ont joué leur rôle tampon en stockant la pluie et sont aujourd’hui bien secs pour la période.

 

A quand la fin des basses eaux ?

L’évolution des nappes illustre la contraste ouest-est de notre région. Elles baissent continuellement dans le bassin de Rennes (voir le graphique de Boisgervilly, tracé noir), elles marquent un soubresaut lié à l’orage du 20 septembre vers l’ouest. Les niveaux restent très corrects pour la saison, de triennal humide par exemple à Landrévarzec (29), à moyen à Tremuson (22) ou en Ille-et-Vilaine. La recharge n’est pas encore amorcée (ce n’est pas préoccupant au 1er octobre) et les niveaux restent corrects.

 

boisgervilly_40.23.png

 

tremuson_40.23.png

                                          Données BRGM, mise en forme Eau et Rivières de Bretagne

 

Côté rivières, l’étiage est encore là

Oh, rien d’exceptionnel, mais voilà, les débits ne remontent pas vraiment. Les pluies permettent des poussées de débit, puis les périodes sèches assez longues les effacent. Les écosystèmes aquatiques connaissent une situation acceptable, avec cependant une température de l’eau élevée dont les effets sont difficiles à prévoir. Dans la mesure où les barrages pour l’eau potable sont « relativement » pleins, les nappes à un niveau correct pour la saison, la situation est plutôt bonne pour l’eau potable. Enfin, presque...

 

Car certains prélèvements en rivière, sur le Dourduff et le Coat Toulzac’h en nord Finistère, ont obtenu des dérogations pour réduire le débit réservé de manière à assurer la desserte en eau potable. Certes, l’autorisation obtenue n’a pas encore été utilisée puisque les pluies de mi septembre ont donné un sursis. Mais il n’est pas indifférent que les collectivités en aient obtenu une.

 

DEBIT_dourduff_23.png

                   Données DREAL Bretagne, banque hydro, traitement ERB

 

Ajoutons aussi une autorisation de mise en service provisoire de forage dans la même zone. Pourtant, le site de référence de l’arrêté cadre sécheresse était, mi-septembre, encore à 15 jours du seuil d’alerte. Celui-ci serait-il mal défini ? Nous le pensons.

 

Gestion de la ressource en cas de sécheresse : à l’est, toujours bien sombre

Nous n’avons pas identifié les collectivités ayant des difficultés de fournitures d’eau potables signalées par le ministre Béchu au milieu du mois. Interprétation rapide des deux dérogations du Finistère ? En Ille-et-Vilaine, s’il n’y a pas de restriction pour l’eau potable (les barrages ont des niveaux élevés pour le début octobre), connaît des restrictions d’usage pour les prélèvements en nappe et rivières sur plusieurs secteurs : en jaune, niveau alerte, en brique, niveau alerte renforcée.

 

Signalons une inquiétude, la vidange prévue cet hiver et qui perdurera jusqu'a la fin de l'été 2024 pour procéder à des travaux sur le barrage de Rophémel sur le Couesnon. Les autres barrages de l’agglomération rennaise vont faire l’objet d’une gestion au cordeau toute l'année 2024.

 

Des arrêtés locaux de limitation des usages ont été pris en nord Finistère. Ailleurs, c’est la vigilance qui est affichée. Donc, à cette saison, l’abstention est la règle.

 

alerte_renforce_secehresse_23.png

Extrait de l’arrêté préfectoral du 14 septembre 2023

 

Chacun a pu constater l’inadaptation des arrêtés cadre sécheresse établis en 2022. Des seuils inadaptés et d’ailleurs non respectés, des mesures qui avaient fait réagir les professionnels contraints de s’adapter à la situation. En 2023, les préfets ont d’abord géré l’extension des dérogations pour les usages économiques, en promettant de s’attaquer aux modalités de déclenchement des mesures en 2024. Alors, quand commençons-nous ?

 

Le dispositif actuel ne permet pas de gérer les étiages précoces, plusieurs sites sont inappropriés, des seuils sont mal choisis. Combien d’événements seront encore nécessaires pour prendre les évolutions en cours au sérieux, en particulier en ce qui concerne les écosystèmes aquatiques dont trop d’acteurs veulent ignorer les services qu’ils nous rendent et découvriront un jour que cela coûte d’en corriger la dégradation !

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