Crises porcines. Pas la faute de l'environnement [25/08/15]

24 février 2017
Crises porcines. Pas la faute de l'environnement [25/08/15]

 

L'UE produit 107% de ses besoins en porcs. Donc 7% de la production estdestiné à l'export et ce sont ces 7% qui fixent le prix des 100% du marché intérieur.


 

Notre modèle agricole dominant est confronté à des impasses, qui mettent une grande partie de la profession agricole dans une situation de désespérance à laquelle nous sommes sensibles. Pour autant, nul ne peut se satisfaire des fausses solutions prônées par certains dirigeants agricoles, ceux là même qui ont conduit à la situation de désespoir que nous connaissons.



Ils ont organisé un système où la seule voie développée est celle de l'industrialisation, de la production de masse à bas coût de vente, et de l'endettement. Pire,  ils prônent aujourd'hui comme solution au problème des  aides à la « modernisation », c'est à dire à l'agrandissement et à la croissance de la production en volume, c'est-à-dire le même modèle qui est aujourd'hui en bout de course. Ce système a déjà fait disparaître une exploitation sur trois dans la période 2000–2010, mais ces crises cycliques permettent encore à quelques exploitations de concentrer davantage la production. Une production qui est restée quasiment stable malgré la disparition de milliers d'élevages ...


Utilisant la crise comme prétexte, ces mêmes leaders agricoles s'acharnent à demander une levée de ce qu'ils appellent les « contraintes environnementales » ! Ainsi, le président d' Inaporc, Guillaume Roué, réclame « l'allègement des contraintes administratives, en particulier dans le domaine de l'environnement » car elles génèrent, selon lui, «des coûts inutiles » (Le Télégramme du 12 août) ! Le Président de la FNSEA, Xavier Beulin, s'exprimant le 23 août dans les colonnes du Journal du Dimanche, exige « un moratoire d'un an sur les mesures environnementales ». Et pour leur relais politique, le  député des Côtes d'Armor Marc Le Fur, « il faut en finir avec les écoconditionnalités et donner la priorité à la compétitivité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire bretons » (Ouest-France 21 août).


La prise en compte des enjeux de protection de l'eau sous la pression des associations et du contentieux européen a permis d'éviter le pire et d'entrevoir dans certains cas (nitrates et eau potable par exemple) une issue positive. Il serait donc aujourd'hui stupide de revenir en arrière ! D'ailleurs certains dirigeants agricoles ne se félicitent-ils pas de la baisse du nitrate dans les ¾ des cours d'eau bretons ? Celle-ci est due à la mise en œuvre d'une réglementation adaptée, assortie de contrôles, et d'incitations financières (programmes bassins versants, écoconditionnalité des aides de la PAC), qui ont permis l'évolution des pratiques agricoles : réduction des apports d'azote, couverture des sols en hiver, périodes d'épandage plus adaptées … Pour autant, cette réduction des nitrates doit se poursuivre notamment pour éradiquer les marées vertes qui défigurent le littoral, et portent atteinte à ses activités économiques (tourisme, conchyliculture...).


Le slogan sans cesse répété d'une sur réglementation environnementale française de l'élevage par rapport aux autres pays européens est un mensonge grossier : quand en France les épandages de lisier sont limités à 170 kg d'azote par ha, ils le sont à 140 kg au Danemark ! En Hollande, les épandeurs de lisier sont systématiquement équipés d'un GPS permettant aux services de suivre la localisation des épandages …



Pas une crise de l'environnement
Les différents reculs de la réglementation environnementale accordés ces derniers années par les gouvernements successifs (relèvement du seuil d'autorisation des porcheries de 450 à 2000 places, relèvement des plafonds d'épandage, raccourcissement des délais de recours pour les tiers …) n'ont évidemment rien changé à la crise du marché porcin ! Car la crise du moment n'est en rien provoquée par la prise en compte indispensable de la protection de notre environnement :

  • il s'agit d'une crise de surproduction à l'échelle européenne ; il se passe à l'échelle de l'Europe en production porcine ce que nous connaissons bien en Bretagne cycliquement, que ce soit pour les choux-fleurs, les échalotes ou autres (trop de production = baisse des prix) ;
  • les prix à la baisse, qui ne couvrent plus les coûts de production, sont le résultat d'un choix de développement intenable focalisé sur les exportations, ce qui a pour effet de rapprocher les cours intérieurs des cours mondiaux (dumping social et environnemental mondial et intra européen) ;
  • la perte de l'autonomie alimentaire des élevages les a rendus ultra dépendants aux apportd de protéines de soja, et donc soumis à des grosses variations du coût des aliments ;
  • l'absence au niveau européen d'outils de gestion et de régulation des marchés, qui ne permet plus d'intervenir avant et pendant les crises ;
  • la concentration des outils de la filière (coopérative, abattage, grande-distribution, banques), au nom du pouvoir d'achat des consommateurs, éloigne le producteur du consommateur et développe des stratégies de financiarisation de l'agriculture.

 


Des solutions durables
Les solutions durables passent par 10 mesures prioritaires et complémentaires (sans hiérarchie de mise en œuvre), qui permettront aussi de retrouver un meilleur état des eaux et de notre environnement :

1/ sortir du système soja (aux OGM) qui détruit l'agriculture vivrière et les écosystèmes des pays d’Amérique latine et induit des systèmes agronomiques aberrants en Europe (maïs au détriment de l'herbe entre autres), en propulsant un plan protéine digne de ce nom, permettant d'aller vers une réelle souveraineté alimentaire ;

2/ mieux harmoniser les productions animales aux territoires français, à leurs capacités environnementales, à leurs possibilités et souhaits de valorisation locale ;

3/ développer les liens agriculture et territoires, en obligeant les collectivités à ajouter des clauses de qualité (label/AOC, AB) et de proximité dans les achats publics ;

4/ favoriser la rencontre des producteurs et consommateurs pour innover et soutenir l’émergence d'ateliers d'abattage, de transformation et de vente pour restaurer les circuits locaux ;

5/ permettre l'accès au foncier des jeunes sur des exploitations à dimension humaine et transmissibles et privilégier les productions en agriculture biologique ;

6/ mettre en place des outils très attractifs de portage économique pour aider à la réorientation des exploitations conventionnelles vers l'agro-biologie , vers des systèmes herbagers, vers « le porc sur paille », vers des productions labellisées ou d'autres productions à forte valeur ajoutée ;

7/ mettre en place des mécanismes de régulation des volumes et de gestion des crises à l'échelle européenne ;

8/ ne pas laisser le TAFTA (traité transatlantique) dicter la loi des méga fermes américaines et s'imposer à l'Europe ;

9/ développer une stratégie de développement de la qualité de la viande, en mettant en valeur des espèces animales adaptées aux terroirs et aux évolutions climatiques ;

10/ mieux rémunérer les fonctions sociales et environnementales de l'agriculture, en revalorisant et simplifiant les mesures agri environnementales et climatiques (MAEC) et en élargissant la notion de zone à fort handicap naturel.



Les producteurs sont parfaitement capables de s'adapter à ces nouvelles demandes de la société, pour peu que la direction à suivre  soit claire, la politique publique cohérente,  et que les variations d'un marché erratique ne soient pas le seul élément de régulation de la production ! Ces dix propositions sont sans doute la meilleure voie à suivre pour qu'ils soient en mesure de dégager un revenu durable.



Eau & Rivières de Bretagne continuera à son niveau d’œuvrer pour que des paysans nombreux soient les principaux acteurs d'un environnement soutenable et pour que l'agro-industrie cesse son développement mortifère et sa main-mise sur les paysans qui en sont les premières victimes. Eau & Rivières de Bretagne le fera avec la centaine de ses associations membres, avec sa Fédération Nationale (FNE) et aussi avec ses partenaires historiques des réseaux agricoles que sont les GAB, les CIVAM, la Confédération Paysanne, le réseau Cohérence …



Mais en aucun cas, Eau & Rivières n'acceptera que la protection de l'eau ne devienne le bouc émissaire d'une crise, dont il faut avoir le courage d'analyser les vraies raisons, afin de pouvoir lui apporter les bonnes solutions !

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