Ferme France | Le choc de la régression

16 mai 2023
Ferme France | Le choc de la régression

Le Sénat examinera ce jour une proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. Un choc de régression surtout ! Rien que sur les sujet des pesticides, cette proposition prévoit : un droit de veto du ministre de l'agriculture sur les décisions de l'Anses relative à leur mise sur le marché, la fin de la séparation de la vente et du conseil, la dérogation à l'interdiction des pulvérisations aériennes. Nous avons interpellé nos sénatrices et sénateurs à ce sujet.

 

Ce projet de texte intervient en plein travail autour du projet de Pacte et de la Loi d’Orientation et d’Avenir agricoles : quel lien entre ces textes ? Les citoyens qui ont participé aux concertations nationale et régionales ne peuvent pas comprendre cette démarche qui consiste à anticiper et court-circuiter les débats démocratiques de l’automne prochain.
L’agriculture et l’alimentation méritent un vrai débat avec les citoyens.


Cette proposition est une régression notable vis-à-vis de la réglementation actuelle sur l’usage et la vente de pesticides ; sur le stockage et le partage de l’eau, ainsi que sur l’intégration de produits alimentaires de qualité dans la restauration collective.

 

Pesticides : c'est cadeau!


Revenir largement sur l’interdiction de pulvérisation par aéronef alors que l’expérimentation menée par l’Anses a démontré un possible risque accru de dérive par rapport au matériel de pulvérisation existant, revient une fois de plus à reléguer la santé au second plan.

Pire encore, cette proposition de loi en offrant un droit de veto au Ministre de l’agriculture sur les décisions de l’Anses concernant la délivrance, la modification ou le retrait des pesticides, déconsidère l’avis scientifique d’une agence nationale : la santé des utilisateurs, des riverains ou de l’environnement ne prévaudrait alors pas sur l’intérêt économique agricole.


Alors qu’elle a à peine 3 ans, la séparation de la vente et du conseil est déjà remise en cause par cette proposition de loi. Comment faire avancer la transition vers l’agro-écologie quand ceux qui conseillent ces produits sont aussi ceux qui en font commerce ?


Notre association qui lutte de longue date contre la pollution de l’eau par les pesticides et leurs métabolites ne peut admettre un tel recul concernant l’usage de ces toxiques. Il en va de la santé humaine et de celle de notre environnement.


Egalim au rabais


Ne pas avoir atteint les objectifs d’intégration de 50 % de produits de qualité dans la restauration collective est une chose. Mais repousser l’objectif de 3 ans et affaiblir les critères de qualité pour imaginer l’atteindre en est une autre ! 

Une filière agricole éligible et labellisée, en l’occurrence l’agriculture biologique, subit actuellement une crise sans précédent. Alors qu’elle attend un soutien de la part des instances, en particulier sur le relèvement des exigences de la loi Egalim sur la restauration collective, cette proposition serait vécue comme une provocation.

Plutôt que de niveler vers le bas les exigences des denrées destinées à la restauration collective, il faut soutenir ces productions afin d’atteindre les objectifs de la loi Egalim.


Notre association qui soutient de longue date la production agricole labellisée sans intrants de synthèse ne peut accepter ce nouveau coup porté au maintien de l’agriculture biologique sur les territoires.

 

Un partage de l'eau a priori


Nous sommes formellement opposés à la déclaration des installations de stockage de l'eau destinée à l'irrigation agricole comme d'intérêt général majeur sans débat ni précision sur la destination des productions. Ces décisions ne peuvent pas être prises a priori mais doivent bien être issue de débats locaux, en lien avec les ressources disponibles et les besoins des territoires.


Pour notre association qui défend les intérêts de l’eau et des milieux aquatiques, le stockage et partage de la ressource en eau sont des sujets qui doivent être débattus au sein de territoires hydrographiques cohérents comme les SDAGE ou les SAGE ; sans déserter les solutions de stockage naturel comme les zones humides ou les sols et les aménagements hydrauliques favorables au ralentissement des chemins de l’eau et à son l’infiltration.

 

Cerise sur le gâteau : la "sur-transposition"


Sur la dite « sur-transposition » des règles européennes, la proposition vise, ni plus ni moins, à empêcher l’adoption de normes allant au-delà des exigences du droit européen ! La subsidiarité de chaque État serait donc remise en cause. Elle permet pourtant de s’adapter au contexte national et aux spécificités nationales, mais aussi d’anticiper voire d’être moteur de l’évolution des politiques agricoles et alimentaires. On parle ici de « La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale » : comment pourrait-on se contenter des directives européennes ?

 

Nous demandons à nos sénatrices et sénateurs de voter contre cette proposition funeste pour la santé des agriculteurs, des citoyens et des milieux naturels.
 

Voir notre courrier aux sénatrices et sénateurs

Voir la proposition de loi

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