Gestion des sécheresses (arrêté cadre, restrictions…) : un sujet brûlant, un traitement perfectible

12 juillet 2022
Gestion des sécheresses (arrêté cadre, restrictions…) : un sujet brûlant, un traitement perfectible

En France la gestion de la sécheresse est assurée par le préfet de département qui peut prendre des arrêtés pour restreindre les usages de l'eau.

 

En cas de situation de manque d’eau (souvent en période estivale) pour limiter les conséquences sur l’alimentation en eau potable (pour rappel 75 % de notre eau potable provient des eaux de surface), garantir la salubrité et assurer un fonctionnement correct des milieux aquatiques, les préfets doivent prendre des mesures temporaires de restriction ou de suspension des usages de l’eau.

 

Comment on évalue qu'on est en situation de sécheresse ?

Une sécheresse est la résultante de longues périodes moins pluvieuses que les normales, de températures élevées, de vent. Qui se traduit en rivière par des débits très faibles des cours d’eau voir des assecs sur des ruisseaux et petites rivières, une augmentation de la température de l’eau favorisant les mortalités piscicoles et en agriculture par un manque d’eau pour permettre la croissance des plantes.

Concrètement pour savoir si nous sommes en situation de sécheresse des indicateurs sont utilisés : niveau des retenues destinées à l’alimentation en eau potable, le niveau des nappes ou bien le réseau d’observation des assecs de rivière (ONDE). Pour cela, on utilise des stations qui mesurent le niveau des cours d’eau (parfois directement le débit) présentes à travers le territoire (125 en Bretagne) gérées par des techniciens spécialisés.

C’est suite à leur franchissement que la petite zone géographique à laquelle ils sont rattachés se voient prescrire des mesures de limitation des usages. Les données accumulées depuis parfois plus de 50 ans permettent de préciser la gravité de la situation.

 

Un arrêté sécheresse qu’est ce que c’est ?

Un arrêté cadre sécheresse définit des secteurs géologiquement, climatiquement et hydrologiquement homogènes sur lesquels peuvent s’appliquer des mesures de restriction ou d’interdiction temporaire des usages de l’eau en fonction de l’état des nappes, des cours d’eau et des retenues destinées à l’alimentation en eau potable.
 

Les mesures sont décrites dans chaque arrêté préfectoral selon une grille nationale adaptée aux spécificités locales. Ils sont disponibles sur les sites internet de chaque préfecture. Ils concernent par exemple les conditions d’arrosage des jardins, des potagers, des golfs, la mise en œuvre de limitations d’usage dans les installations classées pour la protection de l’environnement, les conditions d’irrigation en agriculture.

 

Ces seuils sont échelonnés en quatre niveaux croissant de gravité :

  • seuil de vigilance : on informe les usagers

  • niveau d’alerte il met en œuvre de premières mesures de restrictions

  • l’alerte renforcée avec un niveau de contraintes plus fortes

  • la crise : limitation forte des usages, pour tous les utilisateurs. Le préfet peut interdire certains usages très consommateurs d’eau sont arrêtés

 

Comment est appliqué cet arrêté sécheresse ?

La gouvernance est assurée par le comité de gestion de la ressource en eau ou CGRE. C'est un outil d'échanges et de concertation sur le thème de la gestion quantitative de la ressource en eau. Il rassemble les différents acteurs de l’eau impliqués dans le suivi des ressources en eau et de la gestion de l’eau. Il est présidé par le préfet et est composé de 3 collèges (état, collectivités et usagers). Le collège des usagers doit notamment comprendre des associations de protection de l'environnement.


Il se réunit au moins une fois dans l'année. Lorsque la situation l'exige le préfet peut réunir le CGRE pour apprécier la situation de la ressource en eau sur le département et donner son avis sur les mesures à mettre en oeuvre.

En fin de période de sécheresse (ou d'étiage) il est présenté en CGRE le bilan de l'année écoulée sur le plan hydrique, sur le plan des arrêtés et des dérogations afin de vérifier l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

 

Est-ce suffisant ?

Ces arrêtés existaient depuis longtemps (sauf dans le Finistère et le Morbihan !), mais suite à la sécheresse de 2019 qui avait affectée une très grande partie du territoire, la ministre de l’environnement avait demandé qu’un point sur la situation soit effectué. Le résultat de cette analyse, publiée en 2020 montre que les mesures proposées n'étaient pas suffisamment claires, souvent tardives et d’efficacité non prouvée. Le rapport appelait les pouvoirs publics à appliquer avec plus de rigueur le système en place.

 

Consulter cette expertise

 

Suite à cette expertise, le ministère de l’environnement avait donc aux préfets de revoir leur copie. Les arrêtés qui ont été publiés depuis le début de 2022 sont donc issus de cette révision

Consulter les arrêtés cadre sécheresse de votre département :


 

Si cette révision aura permis d’harmoniser les pratiques entre les départements de nombreuses lacunes persistent dans ces arrêtés, qui ont conduit notre association, dont les alertes n’ont pas été entendues, à demander leur révision.

Nos critiques :

  • l’absence d’évaluation environnementale, qui aurait permis de définir des seuils pertinents et a minima de répondre à des questions telles que : tous les combien d’années revient-on en crise en moyenne et quels gains les mesures prises procurent-elles ?

  • Des sites de mesure inadaptés pour la mesure des étiages

  • des seuils d’alerte et de crise incohérents d’une zone à l’autre, parfois trop tardifs pour une alerte déclenchant des mesures efficaces…,

  • de nombreuses dérogations pour l’irrigation et notamment les retenues collinaires, des dispositifs de contrôles et de communication insuffisants…


 

Notre association est bien sûr favorable à une gestion des usages de l’eau en période de sécheresse, pour autant qu’elle soit cohérente, fiable, contrôlée… et que certains projets nécessitant de nouvelles ressources dans des zones manquant fréquemment d’eau ne soient pas encouragés. Bref, nous attendons une cohérence de l’action publique, au profit d’une protection satisfaisante des milieux aquatiques. Car ceux-ci nous rendent gratuitement des services considérables…

Consulter les contributions de l’association (certaines de nos alertes ont depuis été prises en compte, d’autres non) :

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