Loi Duplomb : un (petit) coup dans l’aile

13 août 2025
Loi Duplomb : un (petit) coup dans l’aile

Le Conseil constitutionnel a décidé le 7 août de censurer une partie de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi Duplomb. Notamment l’article 2 sur la réintroduction de néonicotinoïdes. Une victoire, même si l’essentiel de la loi Duplomb promulguée par le Président de la République ce 12 août, demeure avec des reculs inadmissibles.

 

 

Annulation de l’article controversé, dans sa rédaction actuelle 

 

Les associations de protection de l’environnement, les associations de patients et des sociétés savantes médicales ou scientifiques, ou encore les 2 millions de personnes qui demandaient le retrait de la loi, ont permis une décision tout en nuances, dans les limites du rôle du Conseil Constitutionnel. L’article le plus médiatisé sur la réintroduction de néonicotinoïdes a été censuré par le conseil constitutionnel.

 

Ce dernier reconnaît que « les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. ». Il sanctionne le manque d’encadrement de la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes, prévue par l’article 2 de la loi.

 

Au final, il s’appuie sur la charte de l’environnement, adossée à la Constitution depuis mars 2005, qui garantit « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » pour annuler l’écriture de la dérogation.

 

De fait, une nouvelle loi spécifiant les conditions d'emploi (culture, mode d'épandage,...) pourrait parfaitement être votée et permettre à nouveau l'usage de l'acétamipride. Les professionnels de la noisette n'ont pas saisi l'occasion de faire valoir leur différence vis-à-vis du consommateur en renonçant à ce produit... Et les betteraviers n'ont guère justifié des pertes liées à cette interdiction.

 

Quelques freins à la construction de bassines

 

L’article 5 de la loi Duplomb prévoyait de rendre d’intérêt général majeur certains ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux associés, et il prévoyait, pour ces ouvrages et prélèvements, une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats.

Le conseil constitutionnel reconnaît que « Eu égard aux incidences sur la ressource en eau et la biodiversité des ouvrages de stockage d’eau et des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés, la réalisation de tels ouvrages est susceptible de porter atteinte à l’environnement. ». Il rappelle l’obligation de s’inscrire dans « une démarche territoriale concertée », « l’engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau » et « l’accès à l’eau pour tous les usagers ».

Pourtant, le conseil constitutionnel valide les dispositions de la loi (intérêt général majeur et dérogation à l’interdiction d’atteinte à la biodiversité), avec seulement 2 réserves :

  • exclusion des eaux souterraines dites « nappes inertielles » à cyclicité pluriannuelle (craie, formations tertiaires et formations volcaniques - par opposition aux « nappes réactives » à cyclicité annuelle type alluvions, calcaires jurassiques et crétacés, grès triasiques et socle) ;

  • possibilité de contester la présomption d’intérêt général majeur devant les juges administratifs.

 

 

Mais des reculs inadmissibles persistent !

 

D’autres « allègements » administratifs et divers reculs environnementaux persistent dans la loi.

Ainsi, après passage au conseil constitutionnel, la loi maintient les dispositions sur le rôle et le fonctionnement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) : chargée d’évaluer la dangerosité des pesticides, et d’autoriser leur mise sur le marché, cette instance pourra se voir imposer des « priorités » par le gouvernement, à travers la création d’un conseil d’orientation pour la protection des cultures. Et le texte prévoit une disposition permettant de supprimer la séparation des activités de vente et de conseil dans le secteur phytosanitaire. Les filières et l’économie reprennent le pas sur la santé !

 

Par ailleurs, l’article 3 modifie les modalités de consultation du public et simplifie les démarches sur certains projets destinés à l’élevage, soumis à autorisation environnementale (qui venaient à peine d'entrer en vigueur le 22 octobre 2024 !) : remplacement des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation du public par une permanence, réponse facultative du pétitionnaire aux remarques déposées sur le site d’enquête, passage au régime de l’enregistrement de certaines installations d’élevages de porcs ou de volailles soumise jusqu’ici à Autorisation (effectifs impératifs de la directive IED), facilitation pour certaines installations d’élevage de la modification de la nomenclature des ICPE. C’est donc le dialogue et l’accès à l’information des citoyens qui sont menacés et l’expansion des élevages industriels qui est facilitée.

 

Enfin, concernant l’Office français de la biodiversité (OFB) chargé de la police de l’environnement, la loi Duplomb précise que les préfets approuveront « la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions » : le risque est ici de porter atteinte à l’indépendance de l’OFB, à laquelle nos associations de protection de l’environnement ne renonceront pas !

 

Les régressions sont toujours là, ne nous trompons pas. Le combat pour un réelle transition agricole doit continuer.

 

Lire le communiqué de France Nature Environnement

 

 

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