Marées vertes | Le tribunal confirme l'urgence d'agir
C’est un signal important envoyé ce jour par le Tribunal administratif de Rennes : alors que le film Algues vertes révèle au grand public l’indigence des politiques publiques, les juges saisis par notre association enjoignent l’État de passer à la vitesse supérieure.
Dans un jugement rendu ce jour, le Tribunal Administratif de Rennes enjoint le Préfet de Région de compléter sous un délai de quatre mois l'arrêté du 21 novembre 2021 renforçant le 6ème programme de lutte contre les nitrates agricoles, sur les baies algues vertes.
A la demande d'Eau & Rivières de Bretagne, le juge s’est penché sur l’efficacité à attendre des mesures complémentaires prévues par cet arrêté. Le juge, constatant les insuffisances persistantes du dispositif, enjoint une nouvelle fois au Préfet de prendre -enfin- de vraies mesures contraignantes, « d'application immédiate », « contrôlées dans leur exécution » afin de prévenir les marées vertes. Il enjoint également « l'édiction de prescriptions particulières applicables sans délai aux installations classées (…) permettant une réduction effective du phénomène (…) des algues vertes ».
Les mesures basées sur le volontariat ont leurs limites
Les actions de lutte contre les marées vertes portées par les pouvoirs publics depuis plus de 10 ans, et basées sur le volontariat des exploitations agricoles, bien qu'elles mobilisent d'importants fonds publics, ont montré leurs limites. Elles sont nécessaires, mais pas suffisantes.
Le rapport de la Cour des Comptes évaluant les politiques publiques de lutte contre les algues vertes publié en juillet 2021 l'avait parfaitement analysé et démontré. Les modélisations scientifiques montrent que même si tous les agriculteurs concernés les mettaient en œuvre, la réduction des flux de nitrates à la mer ne seraient pas à la hauteur des modestes objectifs du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) de….2015 (réitérés en 2021).
Depuis plus de trente ans, notre association ne cesse de réclamer à l’État qu'il appuie ces programmes volontaires par la mise en œuvre d'une réglementation adaptée et contrôlée des rejets d'azote à l'origine des marées vertes. Or les effectifs des services de l’Etat disponibles marquent une baisse régulière depuis des années.
Les carences de l'Etat déjà sanctionnées trois fois
A trois reprises déjà (3 novembre 2009 Cour Administrative d'Appel de Nantes, 29 mars 2013 et 4 juin 2021 Tribunal Administratif de Rennes), les recours d'Eau & Rivières ont conduit la justice à sanctionner les carences des autorités préfectorales bretonnes dans l'application des législations nationale et européenne de protection de l'eau.
« Notre association a estimé que les dernières propositions des pouvoirs publics n’apportent pas la garantie d’une trajectoire nous permettant d’envisager une sortie des marées vertes, à un horizon raisonnable. Elle ne se résignera jamais face à cette impuissance de l'Etat à protéger le littoral breton et ses utilisateurs directs et indirects » affirme Francis Nativel, le nouveau président d'Eau & Rivières de Bretagne.
C'est précisément pour cette raison qu'en juin 2022, l'association a demandé au Tribunal administratif de Rennes de contrôler l'exécution du jugement du 4 juin 2021. Celui-ci imposait au Préfet de Région de compléter le 6ème programme de lutte contre les nitrates par des mesures contraignantes de prévention des marées vertes. C'est par un arrêté du 21 novembre 2021 que le Préfet compléta la version initiale de ce programme.
Problème : Alors que la prolifération des ulves (les algues vertes) s’étend depuis quelques années aux zones de vasières (golfe du Morbihan, ria d’Etel, Aber Wrac’h,...), que les échouages sur plage se maintiennent à des niveaux élevés, le Préfet de région n'a envisagé que des compléments renvoyant (pour la plupart) à plus tard leur concrétisation sur la réduction des pollutions par les nitrates. Pire, sous la pression de plusieurs instances agricoles, il n'a envisagé sur les vasières qu'un dispositif minimal, manifestement insuffisant, et pour une partie seulement des zones concernées.
"C'est un motif supplémentaire pour que l’État agisse enfin à la hauteur des enjeux environnementaux, sanitaires et financiers"
Alors que la France entière découvre au cinéma les pressions que subissent les citoyens engagés dans le mauvais feuilleton des marées vertes, le jugement rendu ce jour répond entièrement aux analyses et demandes de l'association, et marque une nouvelle étape dans cette « affaire bretonne ». « C'est un motif supplémentaire pour que l’État agisse enfin à la hauteur des enjeux environnementaux, sanitaires et financiers, que pose la prolifération des algues vertes en Bretagne » se réjouit le président d'Eau Rivières de Bretagne.
Il reste maintenant à l’État de prendre ses responsabilités et de proposer dans les prochaines semaines d’intégrer à son nouveau Plan d’Action Régional (PAR7) nitrates les dispositions demandées par le juge.
Redécouvrez la Saga des marées vertes