Pollution de l’Aulne et méthaniseur
C’est par un bulletin d’alerte de l’IFREMER adressé à la profession conchylicole dans l’après midi du 19 et par un communiqué de la préfecture publié tard ce mercredi soir que les usagers du service public de l’eau potable de cinquante communes du Finistère ont été informés de la pollution de l’Aulne par une pollution à l’ammoniaque.
Les faits
Le déversement, lundi 17 de près de 400 m³ de digestat vers le bassin d’orage et le milieu naturel, à l’usine de méthanisation Kastellin à Châteaulin, a provoqué une forte augmentation de la concentration en ammoniaque dans l’Aulne. L’entreprise a alerté les autorités qui ont tenté de diluer de la pollution, par l’augmentation du soutien d’étiage au départ du lac Saint-Michel. Faute de résultats satisfaisants à l’usine de production d’eau potable de Coatigrac’h, la Préfecture a dû se résoudre à prendre un arrêté de restriction d’usage de l’eau potable.
Quels impacts sur le milieu naturel ?
Les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) se sont déplacés sur le terrain. Ils n’ont pour l’heure pas constaté de mortalité piscicole dans un contexte où le retour de la pluie conjugué à l’augmentation du soutien d’étiage rendent les constats difficiles, compte tenu du débit et de la forte coloration de l’eau. Il y a fort à parier que les fortes teneurs en ammoniaque mais aussi en fer auront une influence sur les écosystèmes de l’Aulne et de son affluent, ce que l’enquête devra détermine
Méthanisation = industrie à risque
Ce nouvel accident industriel sur un méthaniseur porte préjudice une nouvelle fois aux rivières finistériennes, après celui de la Beuzec Cap Sizun d’il y a deux ans qui avait anéanti 3 kms de cours d’eau, et ne manque pas de nous interroger. « Comment se fait-il qu’une entreprise, dont l’étude des dangers a été présentée à l’enquête publique en septembre 2018, puisse générer un tel accident, sinon à penser que les risques industriels de ces installations de méthanisation sont largement minimisés ?», s’étonne Jean Hascoet, délégué territorial d’Eau et Rivières de Bretagne. C’est d’ailleurs ce que notre association pointait du doigt dans sa déposition à l’enquête en septembre 2018 : « Au vu des accidents récurrents sur de telles unités de méthanisation lors du stockage, nous sommes inquiets quant aux dispositifs de rétention prévus : qu'est-il prévu pour protéger le milieu alentour, du type mur, talus, bassin de rétention...? ». Force est de constater que nos alertes n’auront une nouvelle fois pas été prises au sérieux, bien malheureusement.
Au delà des faits dramatiques pour l'environnement et les populations, il est inconcevable de continuer à accepter le principe de l'auto contrôle pour ce type d'activité ICPE (installation classée pour l'environnement). Ceci alors que les effectifs de l'administration en charge du suivi de ces installations ne sont pas augmentés, et que le nombre et la puissance de ces installations s'accroissent. On ne comprend pas comment 400 m3 (400 000 Litres !) de digestat aient pu déborder sans alarme et sans bassin de retention prévus... " Aucune industrie à risques sérieuse ne fonctionne en auto-contrôle" (CSNM - conseil scientifique nationale méthanisation - août 2020).
Fragilité des inter-connexions
Cet événement, qui touche près de 50 communes du sud-Finistère est également révélateur de la fragilité de notre modèle d’approvisionnement en eau. L’abandon ces 40 dernières années, de centaines de petits captages communaux, souvent victimes de pollutions diffuses, et le recours à des interconnexions éloignent toujours plus le consommateur de la ressource. Ce modèle ne laisse alors aucune autre alternative qu’une restriction d’usage pour des milliers de consommateurs, lorsque ce type d’accident survient. Eau et Rivières rappelle son souhait de voir mis en place une réelle politique proactive de réouverture des captages communaux.
Télécharger le Schéma départemental Eau potable du Finistère
Une pollution de plus. Et après ?
Eau et Rivières demande qu’un moratoire soit pris sur la poursuite des créations d’unité de méthanisation industrielles en Bretagne et que toutes les unités déjà en service puissent démontrer leur capacité à se déconnecter du réseau hydrographique en cas d’accident.
Notre association va également déposer plainte contre l’auteur de cette pollution pour que toute la lumière soit faite dans la chaîne des responsabilités qui ont conduit à cette privation d’usage et la détérioration du milieu naturel aquatique.