Consultation nationale - notre avis sur le décret zones de protection forte (en mer)
La stratégie biodiversité en France découle de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 élaborée en 2021.Or, cette dernière est fondée sur le constat d’échec de la stratégie précédente (stratégie 2020). Ce qui nous invite à d’autant plus d’engagement dans la mise en œuvre du dispositif de zones de protection forte.
A la veille de la tenue du One Ocean Summit à Brest qui réunira des chefs d’État et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Nous informons qu'auparavant, les 9 et 10 février, des ateliers auront réuni plusieurs centaines de participants, dont des parlementaires, des experts scientifiques et certaines ONGs, qui adresseront des recommandations aux chefs d’État. Notre avis sur la mise en oeuvre des zones de protection fortes en mer font partie de nos recommandations.
Suite aux prescriptions de la loi climat de 2021, il a été convenu qu’un décret précisera la définition et les modalités de mise en œuvre de la protection forte. Ce décret est celui actuellement soumis à la consultation du public par le Ministère de la Transition Ecologique jusqu'au 05 février 2022.
Une zone de protection forte est une zone dans laquelle les pressions des activités humaines sont évitées, supprimées ou limitées
Le décret ZPF définit une zone de protection forte comme « comme une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques de cet espace sont, évitées, supprimées ou significativement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées. »
Nous apprécions que le décret ZPF conditionne la désignation à l’existence d’une protection réglementaire; mais Eau & Rivières de Bretagne estime qu’il conviendrait de mieux préciser cette condition. A cet effet, le décret devrait imposer qu’une ZPF ne puisse être désignée qu’après une évaluation environnementale initiale complète du site afin d’identifier les pressions et les impacts, y compris les effets cumulés, de toutes les activités (y compris celles antérieures à l’acte de désignation et celles se déroulant à l’extérieur du site mais susceptibles d’entraîner des incidences sur les objectifs de la ZPF). Cette évaluation environnementale permettra notamment d’identifier les mesures à prendre pour éviter, supprimer ou limiter les pressions recensées. Ceci permettant de se donner le moyen de satisfaire à la condition « réglementation adaptée » de la définition du présent décret.
Les zones de protection fortes doivent constituer un réseau cohérent
Comme l’ambitionne la stratégie nationale aires protégées 2030, « l'objectif est de couvrir, par un réseau cohérent » (article L 110-4-I du code de l’environnement), 30 % de notre territoire national (espaces terrestre et maritime) et 10 % en protection forte.
La rédaction actuelle laisse la possibilité de réaliser ces objectifs globalement, par exemple en désignant dans une région lointaine une vaste zone marine. Notre association soutient que cet objectif comptable et surfacique de la stratégie nationale des aires protégées 2030 n’aboutira à la construction d’un réseau cohérent que si les aires protégées sont réparties de façon proportionnée par façade maritime tant en mer qu’à terre (métropole et outre-mer comprises). Pour la mer, les objectifs quantitatifs devraient par ailleurs s’appliquer de manière spécifique d’une part aux eaux sous souveraineté nationale (mer territoriale et eaux intérieures), et d’autre part aux eaux sous juridiction (ZEE et plateau continental), de manière à éviter par exemple que les objectifs chiffrés soient atteints en désignant essentiellement des ZPF en ZEE.
Un mode de désignation au cas par cas qui doit être plus exigeant
Deux modes de désignation sont prévus par le décret : les catégories d’ aires marines protégées (AMP) visées par l’article 3. I du décret qui correspond au mode de désignation d’office, et les catégories d’AMP pouvant être comptabilisées au titre des ZPF selon une procédure dite « au cas par cas », sous réserve de certaines conditions.
Les critères relatifs à cette seconde possibilité de désignation « au cas par cas » nous semblent très insuffisants pour garantir que l’objectif de « protection forte » sera assuré. Si cette procédure était conservée, nous estimons qu’il conviendrait d’y ajouter une disposition imposant que les ZPF désignées au titre de la procédure « au cas par cas » basculent à terme (trois ans?) vers l’un des trois statuts d’AMP visés à l’article 3. I du décret :
- cœur de parc national
- zone de protection renforcée, zone de protection intégrales créées par les actes de classement en réserve naturelle
- zones couvertes par un arrêté de protection de biotope.
Cette approche permettrait de pallier une lacune majeure du texte actuel, qui ne fixe aucune condition relative à l’effectivité et à l’efficacité de la gestion, gages de la « protection forte » recherchée. On sait en effet par expérience, que le statut d’une AMP influence fortement son efficacité de protection de la biodiversité car ce dernier conditionne les modes de gouvernance et de gestion spécifiques (levier réglementaire, conseil de gestion, moyens de contrôle).
On peut rappeler que les AMP portées par une logique contractuelle telles que les sites Natura 2000 ou les Parcs Naturels Régionaux ayant une partie maritime n’ont jusqu’à présent pas pu empêcher le maintien ni même le développement des activités destructrices de la biodiversité sur leur propre territoire.
Un lien terre-mer à concrétiser par une procédure d'avis conforme
L’article 6 prévoit que les propositions de reconnaissance des zones de protection fortes sont formulées par les préfets maritimes après recommandations des conseils maritimes de façades.
Le décret pour les zones de protection fortes à terre prévoit que le préfet de région soumet ses propositions à l’avis des conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN).
Nous demandons que l’avis des CSRPN soit également sollicité dans la procédure de reconnaissance des ZPF maritimes. Et, au-delà, nous soutenons pour les ZPF tant terrestres que maritimes que le CSRPN soit sollicité selon la procédure d’avis conforme.
Cette procédure d’avis conforme est selon nous une garantie pour la mise en œuvre d’un réseau cohérent d’aires protégées permettant de réaliser l’ambition d’un lien terre-mer, propre à l’écriture de la stratégie nationale biodiversité de 2030.
Afin d’assurer la cohérence globale du classement en ZPF, il serait préférable que ce soit le CSPN qui soit sollicité selon cette procédure d’avis conforme ; mais ceci supposerait de lui donner enfin les moyens nécessaires pour remplir sa mission essentielle d’autorité indépendante pour la protection de la biodiversité, qui ne peut reposer sur le seul bénévolat.
Le décret ZPF n'est pour le moment qu'un procédé de labellisation des espaces maritimes, nous espérons que cette procédure engagent sincèrement les décideurs dans la désignation des aires marines protégées à fort enjeu écologique en zone de protection forte.
Pour aller plus loin, consultation et documents
Pour accéder à la consultation publique, cliquer ici
Stratégie nationale aires protégées 2030
Rapport de présentation du projet de décret
Pour rejoindre le contre-sommet du "one ocean summit", vous pouvez suivre les actus des soulèvements de la mer, de l'association Pleine mer et de France Nature Environnement Bretagne