Marées vertes, on se fout des bretons
Cinquante années que les algues vertes, nourries aux nitrates charriés par nos rivières, défigurent et empestent nos plages, menacent la santé des riverains comme des touristes.
Tout le monde sait, études scientifiques et rapports officiels à l’appui, que pour éradiquer ce fléau il n’y a qu’une seule solution, couper le robinet des nitrates et donc faire évoluer l’agriculture bretonne vers des modèles de production et des techniques culturales à très basses fuites de nitrates vers les eaux.
Dernières victimes en date, les ostréiculteurs de la baie de Morlaix dont les pratiques sont largement impactées par des algues qui s’échouent sur les vasières propices à l’élevage d’huîtres au sol et qui à la fin de l’été alertaient sur leurs difficultés, (lire l’article de Reporterre sur le phénomène).
On marche sur la tête.
Courage fuyons, certains s’échinent encore à contourner le problème. Breizh-info.com est dithyrambique sur le projet IZALGUE : il se propose de transformer la « ressource » des algues vertes en un « matériau biosourcé, durable » destiné à l’industrie du bâtiment. Une solution présentée, sans rire, comme « doublement bénéfique » car elle contribuerait à dépolluer les côtes tout en produisant « un isolant écologique ». Un projet soutenu à hauteur de 100 000 € par des fonds publics ! Ce n’est pas la première start-up sous perfusion d’argent public à surfer sur ce mirage de la monétarisation de ces empêcheuses de polluer en rond. Dès les années 90 en baie de Saint-Brieuc le CEVA s’y était frotté, et puis quelques années plus tard le groupe OLMIX, plus près de nous l’État s’est fendu d’un appel d’offres pour récolter quelques kilo en pleine zone natura 2000 autour de Saint-Brieuc, mais aussi l’expérimentation de collecte par l’entreprise Azollae cet été sur les plages de Guisseny. Pourtant toutes les plus grandes entreprises de transformation d’algues installées depuis des lustres à la pointe Bretagne et qui exploitent les vastes champs de la mer d’Iroise, vous le diront il n’y a pas de valeur ajoutée à tirer des Ulves sans perfusion d’argent public. Elles ne se sont d’ailleurs jamais intéressées à la question, certaines d’y laisser des plumes.
Cessez de vous plaindre, résignez vous
A moins que le choix ait été fait pour la Bretagne de faire avec les marées vertes ? C’est ce qu’on pourrait déduire des propos de la directrice de l’Établissement Public d’Aménagement et de gestion de Bassin de la baie de Douarnenez rapporté le 8 octobre dans le journal Le Télégramme : « Il y a encore du travail à faire sur les questions d’acceptation sociale, et il va falloir éduquer les habitants à la présence des algues vertes ». Même si celle-ci, interrogée par Eau et rivières a pris le soin de préciser son propos « l’objectif est bien de descendre à 15 mg mais il faut savoir qu’à cette concentration on n’éradiquera pas les marées vertes, les modèles mathématiques nous disent bien qu’on ne fera que diminuer la biomasse algale de 50 %, il faut donc aussi que le public en soit conscient, les algues vertes resteront présentes ». Mais le mal est fait le seul message qui sera réellement entendu est celui repris par la presse, faute de démenti.
Est-ce bien la musique que l’on veut entendre
Braves bretons vous n’avez rien compris ! La solution c’est de ramasser là où c’est possible et éduquer là où l’accès ne le permet pas. Il faut accepter que chaque été, vos plages, vos criques, vos vasières soient envahies d’algues vertes.
Qu’importent les risques sanitaires, les dégradations des écosystèmes côtiers, les nuisances pour les riverains, les millions d’euros de vos impôts dépensés en pure perte pour ramasser, transporter, traiter les algues vertes. Nourrir le monde à un prix.
Pour Eau et rivières qui annonçait déjà en 1980 dans la presse locale « Algues vertes : sans véritable politique de l’eau, il faudra s’en accommoder. » et le président fondateur, Jean Claude Pierre d’énoncer « Il ne suffit pas de combattre les effets, combattons aussi les causes. Ne pratiquons pas la politique de l'autruche. La marée verte est là et tant que l'on n'adoptera pas une véritable politique de l’eau, il faudra s’en accommoder ». Il est bien révoltant de constater que le déni et la résignation ont encore beaucoup d’alliés.