Projet d'usine à saumons | Ne pas céder au mirage

31 mai 2022
Projet d'usine à saumons | Ne pas céder au mirage

Le projet de création d'une usine à saumons à Plouisy suscite de très nombreuses réactions, des associations de pêche à la ligne des bassins du Leff et du Trieux au Président du Comité de Bassin Loire Bretagne Thierry Burlot, en passant par des organisations syndicales de salariés, des citoyens inquiets du changement climatique ou par les agriculteurs inquiets de la poursuite de l'artificialisation des terres agricoles.

 

Depuis juin 2021, date du vote par Guingamp Paimpol Agglomération (GPA) d'une promesse de vente de 10 ha de terres agricoles à Plouisy à la société Smart Salmon, Eau et Rivières de Bretagne avec la Confédération Paysanne des Côtes d'Armor et la Fédération Régionale Conchylicole ont engagé un travail dans deux directions. D'un côté, nous avons interrogé des experts de la filière aquacole (scientifiques Inrae et techniciens en aquaculture) pour compléter et analyser les maigres informations disponibles sur le projet. De l'autre, nous avons rencontré plusieurs élus (maires de Guingamp, Paimpol, Loc Envel, Ploubazlannec, Sénatrice, Président de la Commission Locale de l'Eau ).

 

De ces multiples rencontres, il ressort trois points essentiels : 

  • l'opacité dans laquelle ce projet a été instruit et l'indigence des informations présentées aux élus du conseil communautaire de GPA avant le vote de la promesse de vente ;

  • l'incompréhension vis à vis du choix d'un site d'implantation, éloigné du littoral et soumis à des contraintes environnementales extrêmement élevées,

  • la dimension démesurée du projet, prototype n'existant à ce jour nulle part ailleurs dans le monde.

 

La société Smart Salmon est partie intégrante des multinationales de filière aquacole qui ont détruit avec ses élevages intensifs de saumons des estuaires de Norvège et leurs populations de saumons sauvages. Elle présente aujourd'hui un projet à la baisse (de 20 000 à 8000 tonnes) mais dont les caractéristiques précises sont toujours masquées dans une stratégie de communication visant abusivement à faire passer ce projet comme positif vis à vis de l'environnement.

 

 

Une ressource en eau déjà limitée et soumise aux effets du changement climatique

Le projet d'implantation d'un élevage XXL de saumons (production de 8000 tonnes, 10 fois supérieure à l'élevage le plus important de Norvège) et d'une unité de transformation, est localisé à Plouisy sur le bassin versant du Trieux. Selon la société Smart Salmon, ses besoins en eau sont estimés à 600 m3 d'eau par jour soit 219 000 m3 / an ; ce qui représente 0.5% de la consommation départementale sur un seul projet ! Affirmer comme le fait le porteur de projet que l'eau rejetée sera de la même qualité que celle qui y est entrée est une imposture car si la chose était avérée elle continuerait à circuler dans les bassins.

 

Le territoire de Guingamp Paimpol Agglomération est déjà déficitaire au regard de ses besoins d'alimentation en eau. Il est, notamment en période d'étiage, importateur de plusieurs centaines de milliers de m3 en provenance des collectivités voisines.

 

Les effets du changement climatique sur la ressource en eau se font déjà sentir dans le département avec une fréquence accrue des phénomènes de sécheresse : 1989, 2003, 2011, 2017, et ce printemps 2022 … Cela se traduit déjà sur le Trieux et le Leff par un nombre de jours d'étiage sévère en augmentation.

 

Ce constat d'une fragilité de la ressource en eau disponible est confirmé par le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) de Guingamp Paimpol Agglomération voté par ses élus: « notre territoire sera particulièrement exposé aux risque de sécheresse et de baisse du débit des cours d'eau ».

 

Alors même que face au changement climatique, il est impératif de s'adapter en réduisant les consommations d'eau de toutes origines, il n'est pas possible d'accueillir sur le territoire une activité nouvelle fortement consommatrice d'eau qui mettrait en péril l'alimentation en eau potable des populations et l'équilibre hydro biologique des cours d'eau.

 

 

Un risque élevé de perturbation de l'économie ostréicole de la baie de Paimpol

La production de coquillages (huîtres et moules) constitue un pan majeur de l'économie littorale de GPA.  Avec près de 8 500 tonnes par an, cette production mobilise 133 entreprises dont 22 locales, et emploie 270 salarié·es. Son chiffre d'affaires annuel se monte à 8,15 millions d'euros.

 

Le maintien de cette activité, intimement liée aux paysages et à l'image de la baie de Paimpol, est soumise à deux difficultés liées à la ressource en eau :

 

  • la dégradation de la qualité des eaux, de nature bactériologique, provoquée par des origines multiples (rejets domestiques, élevages) a conduit dans un passé récent à des interdictions de la commercialisation. Les améliorations apportées au réseau d'assainissement et à la station d'épuration de Paimpol ont réduit la fréquence des surverses et rejets ponctuels. Par contre, le dysfonctionnement du réseau d'assainissement et de la station d'épuration de Guingamp provoque un nombre élevé de rejets directs d'eaux usées dans le Trieux (59 en 2021 selon le tableau de bord du SAGE Argoat-Trégor-Goëlo ).

     

  • les modifications et la réduction des débits des cours d'eau perturbent la production du phytoplancton indispensable à la croissance des coquillages. Le changement climatique dont on perçoit d'ores et déjà aujourd'hui les effets sur l'estuaire et la zone côtière vont amplifier ces perturbations.

 

Dans ce contexte, autoriser de nouveaux rejets dans le Trieux déjà soumis à la pollution de la station d'épuration de Guingamp et dont le débit ne cesse de se réduire à l'étiage, créerait un risque inacceptable pour l'activité ostréicole et l'économie de la baie de Paimpol.

 

 

Une consommation injustifiée de terres agricoles

 

La Bretagne est aujourd'hui la région de France dans laquelle les surfaces artificialisées progressent le plus rapidement. Elles ont doublé en 20 ans alors que la population ne progressait que de 11,7% entre 1985 et 2005, ce qui, avec 4 000 ha représente chaque année la consommation fonciere d'une surface équivalente à celle de la ville de Rennes. Pour le pays de Guingamp, la consommation annuelle de foncier pour l'urbanisation et les zones commerciales ou industrielles est de 63 ha par an entre 2008 et 2018.

 

La nécessité de préserver les terres agricoles et de protéger les zones naturelles permettant d'atténuer les effets du dérèglement climatique ont conduit les élus à fixer dans le SCOT approuvé le 8 juillet 2021 un objectif de zéro artificialisation nette à compter de 2041 et une réduction progressive d'ici cette échéance du taux d'artificialisation. Cet objectif se traduit d'ores et déjà par une réduction drastique des surfaces réservées à la construction dans chacune des communes, dans le cadre des projets de Plans Locaux d'Urbanisme Intercommunal de Guingamp Paimpol Agglomération et de Leff Armor Communauté.

 

Le projet de Smart Salmon mobiliserait à lui seul la consommation de 10 ha de surfaces aujourd'hui dédiées à l'activité agricole, pour un nombre d'emplois réduit au regard de la surface artificialisée. La raréfaction des surfaces destinées à l'urbanisation ainsi qu'aux zones économiques devrait au contraire conduire à privilégier l'accueil d'activités mobilisant une densité d'emplois élevés au regard de la surface d'implantation consommée.

 

Le projet de Smart Salmon n'est donc pas cohérent avec l'objectif de réduire la consommation d'espaces naturels et agricoles fixé dans le SCOT et d'atteindre à terme l'objectif de zero artificialisation.

 

 

Nos 3 organisations demandent aux élus de Guingamp Paimpol Agglomération de faire preuve de sagesse et de ne pas céder au mirage du projet d'usine géante à saumons de Smart Salmon. Ce faisant, ils seront cohérents avec l'ambition d'excellence environnementale qu'ils ont fixée au territoire dans le cadre du Schéma de Cohérence Territoriale, et mettront en œuvre les recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

 

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