Sobriété eau | Le gouvernement exempte les industriels

06 juillet 2023
Sobriété eau | Le gouvernement exempte les industriels

 

La sécheresse de 2022 a marqué les esprits. Elle avait conduit le Président à annoncer, le 30 mars dernier, le lancement d'un grand "Plan eau". Mais tout juste 3 mois plus tard, la signature d'un arrêté ministériel exemptant, en période de sécheresse, de toute restriction de nombreux industriels vient déjà remettre en cause sa crédibilité. Décryptage.
 

Comment gère-t-on la sécheresse ?

En cas de faible débit des rivières, de baisse des niveaux des retenues destinées à la production d’eau potable ou d’eaux souterraines basses, et pour limiter les conséquences sur l’alimentation en eau potable, garantir la salubrité et assurer un fonctionnement correct des milieux aquatiques, les préfets de département peuvent prendre des mesures temporaires de restriction ou de suspension des usages de l’eau.

 

Il s’agit des arrêtés cadre de gestion de la sécheresse (ACS). Ils fixent dans chaque département, les conditions de déclenchement et les restrictions spécifiques des arrêtés ponctuels de restriction des usages de l'eau ; échelonnés en quatre niveaux croissant de gravité :

  • vigilance : information des usagers ;

  • alerte : le Préfet met en œuvre de premières mesures de restrictions ;

  • alerte renforcée : niveau de contraintes plus fortes ;

  • crise : limitation forte des usages, pour tous les utilisateurs. Le Préfet peut interdire certains usages très consommateurs d’eau et non prioritaires.

 

Jusqu’à présent, en période de forte pénurie (niveau de crise), les installations classées devaient ainsi - hors cas particulier – faire au minimum 25 % d’économie d’eau. Mais cette règle de sobriété vient d’être remise en cause, par la signature le 30 juin dernier d’un arrêté par le Ministère de la transition écologique.

 

Lien pour consulter l'arrêté sur le site légifrance

 

Un arrêté pris en contradiction avec le retour d’expérience de la sécheresse 2022

Premier problème, cet d’arrêté n’a pas fait l’objet d’une étude environnementale. Pourtant plusieurs données étaient à la disposition du Ministère. Ainsi, le rapport de la mission d’expertise consacré au retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022 «  recommande aux ministères en charge de chaque filière d’inviter les acteurs à élaborer des feuilles de route nationales d’économies d’eau » et propose que « seuls les acteurs engagés de manière efficace dans une telle trajectoire pourraient bénéficier de dérogations ».

 

Consulter cette expertise

 

De nombreux industriels exemptés de toute restriction

Or, en contradiction avec ces conclusions, cet arrêté vient exempter de toute restriction de nombreux professionnels dont :

  • les producteurs privés d’eau en bouteilles ;

  • les industries agro-alimentaires en « flux poussé ». S’il n’existe pas de définition légale des industriels pouvant être concerné par cette exception, nous pouvons néanmoins supposer qu’une majorité des sites de transformation de produits frais périssables pourrait être concernée (laiteries, abattoirs, conserveries...)

  • toutes les installations autorisées après le 1er janvier 2023.

 

Des économies étaient pourtant possibles

Si les restrictions peuvent être adaptées suivant les cas, déroger de manière générale nous semble inadmissible. Comme s’il était impossible d’économiser 5 à 10 % pendant une durée limitée ! Ce serait oublier que certains l’ont déjà fait en 2022. Plusieurs collectivités ont d’ailleurs contribué lors de la phase de consultation publique de ce texte afin de rappeler cet état de fait et proposer des mesures plus ambitieuses.

 

Ainsi le Syndicat mixte de production d’eau potable d’Ille-et-Vilaine y fait un retour sur les économies d’eau réalisées par les industriels lors de la sécheresse 2022 « Une réduction parfois relativement importante des industries agro-alimentaire »...« Ces diminutions ont parfois été essentielles pour assurer le maintien du système de distribution d’eau. » et de donner des chiffres édifiants de leurs consommations « [En Ille-et-Vilaine, l’industrie agro-alimentaire représente environ 70% des volumes consommés par les gros consommateurs et elles ont sensiblement augmenté leurs consommations (+18% entre 2015 et 2019)]».

 

Même analyse du coté de la collectivité Eau du bassin rennais qui propose que « des demandes de dérogations partielles pourraient être instruites localement par les services déconcentrés de l’Etat et le Préfet, après échange avec l’industriel, fourniture d’un diagnostic des consommations en eau, fourniture d’un plan pluriannuel d’investissement et engagement de la part de l’industriel à le mettre en œuvre. ». Pourquoi ces propositions ont-elles été écartées au profit d’exemptions généralisées ?

 

Accéder à la consultation publique

 

Un arrêté inadmissible en contradiction avec les objectifs du "Plan eau"

La mission d’expertise concluait que « l’eau, malgré les avertissements à répétition que constituent les sécheresses récurrentes, est encore trop fréquemment considérée comme une ressource inépuisable et gratuite ».

 

Cet arrêté le confirme et vient en totale contradiction du discours du Président qui à l’occasion de la présentation du « Plan eau » annonçait que « deuxième élément de court terme, comme là aussi nous l'avons fait pour l'énergie, nous allons demander à chaque secteur un plan de sobriété sur l'eau d'ici à l'été. »...« l'énergie, l'industrie, le tourisme, les loisirs, l'agriculture. Cela marche bien quand tout le monde sait l'évolution de la situation, quand tout le monde est responsabilisé et quand on sait que les efforts sont partagés, donc c'est comme ça qu'on va faire. ».

 

Au sein de ce plan, y était d’ailleurs ré-affirmé l'objectif de baisse des prélèvements de 10 % d’ici 2030 et le fait d’« être en capacité de mieux répondre aux crises de sécheresse ». Il vient pourtant en contradiction avec la réalité soulignée par le discours présidentiel, qui évoquait le partage des efforts comme une condition de la réussite collective. On voudrait démotiver la population que l’on ne s’y prendrait pas autrement !

 

Lire le discours présidentiel du 30 mars à Savines-le-lac

 

Nous devons tous être sobres aujourd’hui pour ne pas subir demain

 

Cet arrêté constitue une grave régression environnementale car il crée une situation de dérogation permanente et générale sans justification. Il vient remettre en cause tout l’équilibre de gestion de l’eau en période de pénurie. Eau et Rivières de Bretagne s'inquiète particulièrement de ses répercussions sur la ressource en eau bretonne, du fait de ses particularités : 1ère région d'industrie agro-alimentaire française, eau potable puisée au 3/4 dans les eaux de surface...

 

Pour Eau et Rivières de Bretagne les économies d’eau ne peuvent pas uniquement reposer sur une partie des usagers. La sobriété n’est crédible que lorsque chacun s’efforce de réduire. C’est en agissant collectivement que nous subirons moins les périodes de sécheresse.

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