Sécheresse 2022 : faute de pluies, une situation toujours inquiétante en Bretagne !
Les prévisions météorologiques ne prévoient pas de pluies significatives en Bretagne pour les cinq prochains jours, et la tendance à 14 jours reste au sec…
Qu’avons-nous observé ces dix derniers jours ?
D’abord une baisse des débits, marquée jusqu’au 18 juillet, maximum de la canicule. Les (petites) pluies et surtout la chute des températures ont ensuite occasionné un rebond des débits, plus ou moins marqué selon les rivières. La végétation des berges et des zones humides a évaporé au maximum pour lutter contre la chaleur, réduisant d’autant l’alimentation des rivières. Cet effet peu fréquent a disparu avec la chute des températures, occasionnant cette remontée.
Pour illustrer cette situation, le graphique ci-dessous est établi à partir des débits mesurés sur le Gouët, en Côtes d’Armor. On voit bien le rebond à partir du 19 au soir, d’importance limitée toutefois.
Source : banque Hydro, DREAL Bretagne, traitement ERB
Cette phase est terminée depuis le 22 juillet et la baisse reprend, un peu plus lente puisque l’alimentation par les eaux souterraines se ralentit au fil de l’été.
Des mesures de restriction bienvenues
Les quatre départements bretons ont pris des mesures de restriction, parfois plus sévères que celles que les seuils auraient enclenchés. Mais la date précoce à laquelle ils sont atteints justifie pleinement ce choix.
L’effet des mesures de restriction n’est pas toujours facile à percevoir, mais est mesurable. L’exemple de l’Yvel à Loyat, à l’amont de l’étang au Duc à côté de Ploërmel dans le Morbihan montre que ces mesures ont une efficacité puisque les débits augmentent malgré les jours caniculaires culminant le 18. Mais la poursuite de la sécheresse suffit pour retrouver la tendance, avec un gain de 8 jours, faible mais appréciable.
Source : banque Hydro, DREAL Bretagne, traitement ERB
L’impact des mesures de restrictions d’usage de l’eau n’est pas automatique et prend souvent un peu de temps. Il est parfois nécessaire de procéder à des réorganisations dans les entreprises, de communiquer pour susciter une prise de conscience des usagers. Leur efficacité n’est pas négligeable : on peut observer des baisses de l’ordre de 10% chez les particuliers. Sans attenter à la qualité de vie. Il faut donc y participer.
Des perspectives inquiétantes
Le tarissement va donc se poursuivre, lentement et nous rentrons dans les situations extrêmes de 1990, voire de 1976. Les demandes de dérogation pour réduire le débit réservé au 1/20ème du débit moyen interannuel -le module- se multiplient en matière d’alimentation en eau potable.
La situation régionale de l’état des rivières est donnée sur la carte suivante, en perspective au 3 août. Cette carte est établie à partir d’hypothèses telles que des pluies négligeables, pas d’effet caniculaire, des baisses de débits voisines de celles observées en 1976, 1990 ou 2003 selon les sites*.
Les niveaux dits de crise seront atteints un peu partout.
La situation des Côtes d’Armor est un peu moins difficile. Attention, plusieurs rivières de ce département n’ont pas de seuil d’alerte et sont mentionnées en rose car elles passeront en équivalent de l’alerte avant le 10 août.
La situation devient critique à Groix où l’unité de désalinisation d’eau de mer rentrera en service début août.
Les niveaux des retenues d’Ille et Vilaine sont très préoccupants (Haute Vilaine, Vallière, Rophémel, nord département). Malgré les dérogations pour les débits réservés, la baisse est très rapide. Les Côtes d’Armor transfèrent de l’eau vers l’Ille et Vilaine mais la situation va y devenir préoccupante début août. La demande est un peu plus forte que prévu par Eau du bassin rennais.
Deux communes sont déjà en rupture de service d’eau dans le Finistère ! Braspart (l'incendie ayant contribué à la situation) et Plonéour Ménez, qui sont des communes peu ou pas interconnectées pour leur adduction en eau potable.
Le suivi de la consommation d’eau dans les barrages réservoir va devenir le sujet de vigilance des prochaines semaines. La retenue de la Chèze est maintenant très sollicitée, le débit dans le Blavet à l’aval de Guerlédan est bien soutenu, les barrages Saint Michel (Aulne) et Drennec (Elorn) assurent entre 50 et 65 % des débits au niveau des prélèvements des usines de potabilisation. Au rythme actuel de soutien des étiages, la situation semble sous contrôle. Mais les soutiens des débits vont inexorablement devoir augmenter avec la poursuite du tarissement.
Attention aux fausses solutions
Et si cette période perdure au-delà du 20 août, les difficultés vont se multiplier. Il est donc essentiel d’utiliser l’eau avec attention. Et puis, à l’avenir, d’arrêter de croire qu’à coup de barrages et d’interconnexions de plus en plus longues, on trouvera l’eau nécessaire. La désalinisation reste coûteuse, et n’est pas sans impacts, au-delà de son coût énergétique. Les retenues ne sont pas à l’abri des proliférations de cyanobactéries, surtout en cas de températures élevées, avec des difficultés de traitement de l’eau à la clé.
Nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’alerter sur des projets économiques fortement consommateurs d’eau dans des secteurs en forte tension : arrêtons de penser que tout est possible. Et, en matière de pisciculture, de pousser à un développement qui prétend pouvoir s’adapter à la situation et argumente qu’il ne peut le faire qu’à la marge lorsque la crise est là. Il faudra choisir entre la rivière et une activité économique beaucoup moins adaptable que le discours qui en est tenu. Surtout que nos prises d’eau potable sont souvent situées à l’aval…
Signalons bien sûr la vigilance indispensable pour la gestion des sources potentielles de pollution qui auraient, en cas de fausse manœuvre ou d’accident, des conséquences très lourdes : déversements à partir de cuves de carburants ou de produits chimiques, fosses à lisier et autres stockages de digestats. Le passé récent nous invite à la plus grande attention.
*Pour les curieux : la situation atypique de l’Isole à Quimperlé est liée à des seuils de gestion des étiages mal choisis. Il a été utilisé des statistiques sur un ancien site de mesure qui ne prenaient pas en compte une dérivation de l’Isole vers l’Ellé par manœuvre de vannes, avec donc des étiages très sévères qui étaient artificiels. Le nouveau site est situé à l’amont. Nous n’avons pas été entendus sur cette observation critique, et la situation est effectivement aberrante.
Télécharger le communiqué de presse du 26 juillet
Lien vers les arrêtés sécheresse en Côtes d'Armor, en Finistère, en Ille-et-Vilaine et en Morbihan
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