Nos dix propositions

10 mai 2021
Nos dix propositions

Le phénomène des marées vertes est un fléau environnemental, économique et sanitaire qui empoisonne la Bretagne depuis plus de cinquante ans. Les politiques publiques demeurent inefficaces pour régler l’épineux problème qui empoisonne nos plages. Eau & Rivières de Bretagne propose dix mesures, réparties en trois axes, à appliquer au plus vite pour mettre un terme aux marées vertes.

 

Apparu en Bretagne à la fin des années 60, le phénomène des marées vertes est un fléau environnemental, économique et même sanitaire qui s’étend à d’autres endroits dans le monde.

La prolifération des algues vertes résulte principalement d’une quantité de nitrates excessive dans les eaux côtières apportée par les rivières (plus de 30 mg/L en moyenne, loin des recommandations de nombreux scientifiques, qui préconisent 10mg/L dans les baies les plus touchées). Cet excès est provoqué en grande partie par un modèle d’agriculture intensive.

 

Les pouvoirs publics ont cherché à le résoudre depuis 2010 par des Plans de lutte contre les algues vertes (Plav) territorialisés sur les huit baies les plus touchées. Mais les résultats obtenus sont manifestement insuffisants. Les marées vertes persistent et après une lente décroissance de 1995 à 2015, les taux de nitrates stagnent depuis. L’État, la Région et l’Union européenne doivent faire cesser ce fléau inadmissible. La solution réside dans la réforme de nos pratiques agricoles : l’agriculture bretonne doit produire moins et mieux.

L’année 2021 est une année charnière puisque vont se croiser, la mise en place de la nouvelle Politique agricole commune (Pac), la mise en place du nouveau Plan régional de lutte contre les nitrates (Par7), le début d’une nouvelle mandature au Conseil régional de Bretagne et la publication d’une évaluation des politiques de lutte contre les algues vertes par la Cour des comptes et la Chambre régionale des comptes.

 

Nos dix propositions

Eau & Rivières de Bretagne, association reconnue de protection de l’environnement, présente dix propositions réparties en trois axes pour mettre fin aux marées vertes.

Notre objectif : produire moins mais mieux pour descendre sous la barre des 10 mg/L de nitrates dans les baies et vasières touchées

 

 

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1. Encourager la réduction du cheptel breton et prioriser l’élevage en extensif

La Bretagne est la première région d’élevage en France, elle élève plus de la moitié des cochons et une bonne partie des poulets et des vaches, sur seulement 6% de la Surface agricole utile (SAU) nationale. Cependant nos terres, nos plantes et nos eaux n’ont pas la capacité d’absorber la totalité des excès de nitrate qu’engendre ce système, pour une part importante hors sol.

 

Il convient donc de réduire le cheptel breton et privilégier un modèle qui favorise à la fois le bien-être des animaux et la préservation de l’environnement en rétablissant le lien au sol, c’est-à-dire des fermes autonomes en alimentation et en terre d’épandage. Cela permettra aussi de garantir une véritable souveraineté alimentaire en mettant fin aux importations de soja OGM, responsables d’une partie de la déforestation en Amazonie et du changement climatique ainsi que d’une très grande partie de l’excédent d’azote organique présent en Bretagne.

 

2. Atteindre un taux de plus de 30% de la Surface agricole utile en bio d’ici 2027 sur les bassins versants concernés

L’agriculture biologique est la seule qui exclut totalement les engrais azotés. Même si le cahier des charges bio ne garantit pas le « zéro fuite de nitrate » elle est à ce jour, avec les exploitations 100% herbagères la seule qui a fait la preuve de sa durabilité. Parce qu’à tout point de vue (santé, revenus des agriculteurs, protection de l’environnement, préservation à long terme de la fertilité des sols) il est urgent de généraliser ce modèle d’agriculture sur tout le territoire, nous demandons que le taux de SAU en bio sur les bassins versants concernés passe de moins de 10% à plus de 30% d’ici 2027 au minimum. Ce système assure aujourd’hui un meilleur revenu et ne génère pas d’endettement excessif.

 

Pour y parvenir, il faut un soutien économique clair et une politique foncière adaptée. Le Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) n’intègre aujourd’hui pas suffisamment l’enjeu environnemental dans la délivrance des autorisations d’exploiter des terres. Il doit prioriser, sur les baies à algues vertes, les modèles agricoles garantissant de faibles fuites d’azote, comme l’agriculture biologique. D’autre part, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), qui travaille sur les baies à algues vertes dans le cadre d’un contrat avec le Conseil régional, doit s’impliquer davantage sur ces territoires. Une démarche pro-active vers les collectivités territoriales concernées, une évolution de la loi et des incitations financières, doivent leur permettre de préempter et de constituer des réserves foncières lorsque cela s’avère nécessaire afin de pouvoir orienter le territoire vers une agriculture bio et durable.

 

 

 

3. Préserver et restaurer les infrastructures agroécologiques et naturelles (bocage, zones humides)

L’étalement urbain et le déploiement d’une agriculture intensive ont contribué à la détérioration de paysages, du chevelu hydrographique et de zones naturelles vitales pour les équilibres des écosystèmes.

Des diagnostics de territoire multifonctionnel doivent permettre d'appréhender finement les réaménagements et améliorations indispensables au ralentissement de l'eau au sein du bassin versant et donc un réel retour à une résilience de bon niveau.

Le bocage, déterminant pour la régulation des régimes hydriques est l’un des marqueurs d’une agriculture fondée sur des systèmes culturaux moins intensifs et s’accommodant de moins d’azote. Il s’agit de replacer le bocage, talus, haies, zones boisées au cœur des systèmes d'exploitation. Ces infrastructures naturelles ont pour effet direct de réduire le ruissellement des eaux de pluies et les phénomènes érosifs qui détériorent les sols. Nous préconisons le déploiement des incitations et aides au développement et à l’entretien du bocage spécifiquement sur les baies à algues vertes, allant au-delà du dispositif Breizh Bocage et des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) existantes, aujourd’hui insuffisantes.

 

Les zones humides présentent de nombreuses fonctions : habitat de nombreuses espèces, régulation des eaux, épuration des nitrates. L’étalement urbain et la céréalisation menacent ces zones humides, il est ainsi essentiel de les préserver et de les restaurer. Nous demandons la préservation de l’intégralité des zones humides encore existantes et que chaque baie à algues vertes atteigne d’ici 2027, un minimum de 20% de zones humides fonctionnelles et non cultivées (hors surfaces boisées ou bandes végétalisées), y compris en passant par un programme d’action de « dédrainage ».

 

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4. Renforcer le soutien à la transition agricole des exploitations

Ces trente dernières années de lutte contre les fuites de nitrates agricoles ont vu émerger des systèmes agricoles dont la durabilité a pu être démontrée, c’est le cas des systèmes herbagers bovins et des fermes en agriculture biologique. Ces évolutions de systèmes ont peu concerné les élevages hors sols type porcs et volailles ou la production de légumes (y compris sous serre).

 

Même si la Région a déployé et soutenu fortement les mesures agro-environnementales « systèmes » (herbager et biologique), les sommes en jeu (50 millions d'euros) restent encore minoritaires par rapport au soutien à l’agriculture conventionnelle (450 millions d'euros pour la Pac par exemple).

 

Pour encourager les fermes ayant des pratiques vertueuses, nous soutenons un abondement fort du budget de l’Ecorégime du 1er pilier de la future Pac, permettant de mettre en place des paiements pour services environnementaux (PSE) efficaces et garantissant le maintien des systèmes vertueux.

 

Pour favoriser la transition des élevages industriels, nous préconisons la création de mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de transition permettant aux élevages hors sol d’évoluer (porcs sur paille ou plein air, volailles plein air,…) mais aussi aux exploitations légumières d’évoluer (diversification des rotations, cultures associées...) . Ces MAEC systèmes, complémentaires des MAEC existantes, permettraient d’engager une réelle transition, qui aurait pour conséquence une réduction de cheptel sur le territoire et l’introduction de nouvelles pratiques de production moins dépendantes des volumes. Elles doivent intégrer dans leur cahier des charges une limitation de l’apport d’engrais azotés minéraux et sont à expérimenter ou développer prioritairement sur les baies à algues vertes.

Dans le même ordre d’idée, un autre dispositif, l’Indemnité compensatoire au handicap naturel (ICHN) pourrait également être mobilisée spécifiquement dans les baies à algues vertes, toujours en contrepartie d’une baisse contractuelle significative du cheptel ou de la production de la ferme.

 

5. Ecoconditionner les financements publics pour des modèles d’agriculture durables et viables

La majorité des soutiens publics à l’agriculture contribue à conforter le système productiviste breton. En effet, tous les ans sur les 500 millions d’euros d‘aides de la politique agricole commune (Pac) qui arrivent en Bretagne, 450 millions d’euros sont alloués au premier pilier qui concerne principalement l’agriculture conventionnelle. S’y ajoutent les aides aux investissements agricoles (exemple des poulaillers industriels) ou encore les aides à l’agro-industrie (coopératives, entreprises agro-alimentaires, méthaniseurs, infrastructures portuaires et routières).

 

A travers ces aides sans contreparties environnementales fortes (notamment sur la réduction de la pression azotée) et qui soutiennent d'abord un modèle agricole productiviste et déséquilibré par rapport à l'environnement, les acteurs publics contribuent à maintenir un modèle qui génère des marées vertes et bien d’autres dommages environnementaux et de santé publique.

Nous demandons que les financements publics de soutien aux filières agro-industrielles soient conditionnés à des engagements à accompagner les agriculteurs vers des systèmes bios et durables et à leur garantir une rémunération conséquente. Il nous paraît également nécessaire de conditionner l’aide à l’installation en agriculture à ces systèmes, sur les baies à algues vertes. Nous proposons aussi de n’octroyer les aides aux investissements en baies algues vertes qu’aux fermes en agriculture biologique et durable.

 

 

6. Utiliser les Plans alimentaires territoriaux (PAT) comme leviers pour la transition agroécologique

Les Plans alimentaires territoriaux (PAT) doivent devenir de vrais outils structurants pour définir une politique agricole et une alimentation durables sur les territoires. En effet, réunir les acteurs, élus, agriculteurs, industrie agroalimentaire et les citoyens, permet de fixer un cap et développer des filières alimentaires locales répondant aux enjeux environnementaux, sanitaires et sociétaux. Nous préconisons que pour les territoires touchés par les marées vertes, les subventions publiques dédiées à la mise en œuvre des PAT, allouées par l’État et la région aux EPCI, soient conditionnées à des objectifs clairement définis de réduction des fuites d’azote.

 

 

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7. Élargir le périmètre du Plan algues vertes aux vasières

Malgré ses insuffisances, le Plan de lutte contre les algues vertes (Plav) a permis de créer les conditions d’une gouvernance locale et d’une dynamique collective souvent intéressante. Ce dispositif ne concerne malheureusement que huit baies, elle ne prend pas en compte tous les sites qui en Bretagne sont affectés par des marées vertes.

 

Le Plav ne s’intéresse pas aux échouages sur vasières qui représentent pourtant un risque certain pour la biodiversité des estuaires et un risque sanitaire non négligeable. Le golfe du Morbihan représente à lui seul 30% des échouages sur vasières. Il convient donc d’élargir le Plav aux vasières y compris celles du Morbihan.

 

8. Le Programme d’actions régional « nitrates » (Par7) doit imposer des règles plus strictes pour les baies à algues vertes

La politique de l’eau bretonne a montré qu’elle ne pouvait pas reposer que sur un caractère volontaire et incitatif. C’est pourquoi nous préconisons dans le futur programme d’actions régional « nitrates », sur les territoires à algues vertes : l’obligation de couverts végétaux en intercultures courtes, l’interdiction des systèmes de cultures à risques (type maïs sur maïs), la création d’un contrôle technique obligatoire pour lutter contre la vétusté des ouvrages et le déploiement d’un suivi des rejets par des mesures systématiques des reliquats d’azote en début de période de drainage.

 

Les territoires sur lesquels les agriculteurs n’auront pas pris les mesures et dispositions imposées par cette nouvelle réglementation d’ici décembre 2023 devront être classés en zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE). Ce classement établira un plafonnement d'azote total (140 kg N/ha/an), assorti d’une interdiction de retournement des prairies et d’un accès privilégié vers les MAEC système et de transition.

 

9. Mettre en place une véritable politique régionale d’instruction vis-à-vis des Installations classées pour l’environnement (ICPE)

Les Plav n’ont pas permis jusqu’ici de mettre fin aux marées vertes en Bretagne. La politique des Installations classées pour l’environnement (ICPE) n’a pas su prévenir l’impact des élevages sur l’environnement ce qui est pourtant sa principale ambition.

Compte tenu de la présence sur le territoire breton de près de 50 % des ICPE d’élevage français, nous préconisons, dans les territoires touchés par les marées vertes (sur estran et sur vasière) :

 

  • Le renforcement des moyens d'instruction des ICPE et le basculement systématique des dossiers d’enregistrement vers l'autorisation de sorte qu’une évaluation environnementale complète soit produite et qu’elle s’attache particulièrement à analyser les effets cumulatifs.

  • La fixation d’un taux maximal d’occupation des sols par les animaux doit être un préalable à toute autorisation d’extension d’une exploitation.

  • La création de prescriptions particulières pour les dossiers ICPE comme par exemple, l'obligation de souscrire à une MAEC système. Cette obligation pourrait s’appliquer à l'occasion d'une évolution administrative de l'exploitation : une demande de restructuration, une reprise, une transmission.

  • L’avis obligatoire et opposable des commissions locales de l'eau, pour toutes les ICPE d’élevage relevant de l‘enregistrement ou de l’autorisation.


 

10. Augmenter l’implication de l’État à travers la taxation, les contrôles et le respect des réglementations

Pour assurer le bon respect de la réglementation, il est nécessaire d’assurer un suivi via notamment la mise en place d’une politique de contrôles efficace. Il apparaît cependant que les moyens humains ne permettent pas d’effectuer cette mission (près de trois équivalents temps plein en moins chaque année dans les administrations chargées du contrôle en Bretagne). Ainsi seulement 5% des fermes sont contrôlées en territoire algues vertes aujourd’hui contre 50% au début du Plav. Il en est de même concernant l’assainissement collectif et individuel responsables de 5 à 20% des flux de nitrates, selon les baies et les saisons.

 

Nous demandons :

  • un renforcement significatif des moyens de contrôle dans chacune des administrations concernées.

  • la mise en place immédiate en Bretagne de la redevance sur l’engrais azoté minéral inscrite dans la loi Climat, car il est l’une des causes de l’excès de nitrates en Bretagne (en moyenne 100 000 tonnes

d’azote sous forme minérale importé chaque année), de l’excès d’ammoniac dans l’air qui participent à la création de particules fines et de l’émission d’un gaz à effet de serre, le protoxyde d’azote (N2O). Le produit de cette taxe pourrait intégralement être reversé pour alimenter les Paiements pour Service Environnementaux (PSE) et se doter de véritables moyens de contrôle.

 

Au delà de ces préconisations, Eau et Rivières de Bretagne attend que soient garanties la liberté d’information sur les pratiques agricoles conduisant à la prolifération des algues vertes et la protection des lanceurs d’alerte.

 

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